Après le grand toilettage auquel elle a eu droit, la capitale des Zianides vit au rythme des préparatifs afin d'être fin prête le jour «J» pour accueillir en grandes pompes ses illustres hôtes. Une course effrénée contre la montre s'est engagée et rien n'est laissé au hasard. On veille au grain sur chaque détail. Les coins et recoins sont passés au peigne fin. Tlemcen va vivre un événement majeur et on n'admet aucune fausse note qui puisse attirer l'attention du président de la République ou de son invité, à qui on veut montrer l'autre image du Maghreb central, celle d'une cité ancestrale et pôle de rayonnement culturel, scientifique et civilisationnel. Une ville où, à travers les siècles, ont cohabité dans la tolérance différentes religions et cultures. Cette visite anime aussi les débats des citoyens sur la place et les lieux publics et chacun la commente à sa façon. Pour les uns «le choix de Tlemcen n'est pas fortuit. Elle est le berceau d'un brassage des cultures et des civilisations qui s'y sont succédé au fil des siècles». Pour d'autres «c'est un message fort qu'on veut transmettre au président François Hollande dont la visite coïncide avec le cinquantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, d'autant plus que Tlemcen renferme beaucoup de symboles et d'événements historiques comme Messali Hadj, l'Emir Abdelkader et la révolution armée». Et de s'interroger : «n'est-ce pas à Tlemcen que furent signés les accords de la Tafna entre la France et l'Emir dont la déportation s'est effectuée aussi à partir de Ghazaouet, à Tlemcen ?» Il est vrai qu'en atterrissant sur le tarmac du nouvel aéroport Messali-Hadj, c'est toute la mémoire du père du nationalisme algérien qui sera ravivée. Le fondateur de l'Etoile nord-africaine et du PPA, celui qui fut déporté plusieurs fois, a sacrifié sa vie pour l'indépendance de l'Algérie et connu l'exil, a vu ses rêves se réaliser pour qu'aujourd'hui Kassaman et la Marseillaise soient entonnés ensemble et l'emblème qu'il a créé et confectionné flotte à côté du drapeau tricolore depuis la ville aéroportuaire de Zenata. Zenata qui fut le plus grand centre d'internement et de torture, jusqu'au chef-lieu de la wilaya qui veut réserver un accueil des plus exceptionnellement chaleureux aux deux hautes personnalités. Un itinéraire et des sites chargés d'histoire Des dizaines de groupes folkloriques et des troupes de fantasia traditionnelle se préparent activement pour la grande fanfare tout comme les petites filles d'honneur, habillées en chedda tlemçania, qui seront réparties entre le palais d'El-Mechouar, le musée d'art et d'histoire, la mosquée Sidi Belahcene, la faculté de médecine, le plateau de Lalla Setti et le minaret de Mansourah. Parmi ces sites, trois vont retenir certainement l'attention du président Hollande. Transformé en casernement militaire durant la période coloniale, El-Mechouar a vu aujourd'hui la reconstruction de son palais, celui de Yaghmoracen, la réhabilitation de sa mosquée utilisée comme arsenal par l'armée française et la restauration de la poudrière en théâtre. Le site a repris ses empreintes zianides, son identité ancestrale, ses repères et s'est embelli pour la circonstance pour recevoir ses invités de marque. Du temps du roi Yaghmoracen, un tunnel reliait le palais du Mechouar à la medersa El-Tachfinia, pour permettre aux petits princes de s'y rendre pour leurs études. C'était l'une des premières et plus grandes médersas du Maghreb. L'armée coloniale l'a rasée pour ériger sur les lieux le siège de la commune. Elle figure dans le programme de la visite sauf que les lieux abritent aujourd'hui le nouveau musée d'art et d'histoire où Hollande découvrira quelques fragments de ce qui a été conservé de cette médersa, la reconstitution de sa maquette et l'histoire de Tlemcen à travers les siècles avant de visiter la grande mosquée où les impacts de balles sont encore visibles sur le mihrab, depuis l'assassinat de l'imam et le massacre des populations en juin 1956. C'est toute l'histoire coloniale de la France qui va ressurgir devant le président Hollande. Certes une page de l'histoire est tournée, mais la mémoire du peuple algérien reste éternelle. La preuve, la sinistre caserne des Spais abrite aujourd'hui une faculté de médecine et un grand auditorium, d'où le Président français fera un discours devant les étudiants de l'université Aboubakr-Belkaid. Hollande franchira-t-il le pas et réussira-t-il là où tous les autres présidents français ont échoué ? En attendant, l'effervescence a gagné toute une ville qui attend, peut-être, une surprise ou un geste hautement symbolique de la part de François Hollande.