La Commission européenne a dressé vendredi un sombre tableau de l'économie de la zone euro, qui restera en récession en 2013 avec des pays multipliant les dérapages budgétaires, à commencer par la France, et une explosion du chômage. Paris va enregistrer un déficit public de 3,7% en 2013 et de 3,9% l'an prochain, autrement dit le pays ne rentrera pas dans les clous européens qui lui impose de ramener son déficit en-deçà de 3% du Produit intérieur brut cette année, selon les prévisions économiques d'hiver de Bruxelles. La faute notamment à une croissance au point mort (0% en 2012 et 0,1% prévu en 2013), et à un problème de compétitivité. Cette nouvelle n'est pas une surprise. La France avait pris les devants, en reconnaissant qu'elle ne pourrait tenir l'objectif de 3%. Tout en promettant d'être "le plus près possible", le président François Hollande a refusé "d'ajouter des mesures aux mesures" pour ne pas "tomber dans l'austérité". Mais avec le renforcement de la surveillance mise en place depuis le début de la crise, les Etats membres s'exposent à des sanctions financières en cas de dérapages budgétaires. Dans l'immédiat, Bruxelles penche pour la clémence. Le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn, n'a pas exclu vendredi d'accorder à la France un délai jusqu'en 2014 pour atteindre l'objectif de 3%. "Nous reviendrons sur la question au mois de mai, (...) après que la France aura présenté ses programmes de stabilité et de réformes, qui devraient inclure un examen complet et profond des dépenses publiques", a-t-il affirmé. En attendant, l'exécutif européen demande à la France de poursuivre ses efforts budgétaires et ses réformes structurelles pour la croissance et l'emploi, rappelant que sa santé "est au cour de la stabilité de toute la zone" euro. L'Allemagne, principal partenaire de la France, doit être quasiment à l'équilibre cette année (-0,2%) et l'atteindre en 2014, avec une croissance de 0,5% et 2%. Mais la situation de la France, deuxième économie de la zone euro, n'est pas isolée: d'après les prévisions de la Commission, l'Espagne devrait connaître de lourds dérapages budgétaires. Le pays, englué dans la récession et le chômage de masse, devrait enregistrer un déficit public de 10,2% en 2012, de 6,7% en 2013 et de 7,2% en 2014. Des chiffres bien éloignés des objectifs affichés par Madrid d'atteindre un déficit de 4,5% cette année et de 2,8% l'an prochain. L'Espagne a déjà obtenu des délais de la Commission européenne pour réduire son déficit et peut espérer un nouveau traitement de faveur, même si cela est "prématuré", selon M. Rehn. Le pays a mis en place un plan de rigueur qui doit permettre d'économiser 150 milliards d'euros sur trois ans et le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, a annoncé mercredi "une seconde génération de réformes", afin de stimuler l'emploi et l'activité des petites entreprises. Ces dérapages budgétaires s'inscrivent dans un contexte difficile pour la zone euro, qui devrait rester en récession en 2013. Le PIB devrait reculer de 0,3% cette année, contrairement aux précédentes estimations de la Commission qui tablait sur une croissance au point mort. Bruxelles table sur une reprise seulement en 2014, avec un PIB en hausse de 1,4%. Pour l'Union européenne dans son ensemble, la croissance sera d'un petit 0,1% cette année et de 1,6% en 2014. Sur les 17 pays de l'Union monétaire, seul Chypre qui attend la mise en place d'un programme d'assistance financière devrait encore être en récession en 2014, contre sept pays cette année (Grèce, Espagne, Italie, Chypre, Pays-Bas, Portugal et Slovénie). Mais l'austérité et la récession actuelles se traduisent par une nouvelle aggravation du chômage, qui devrait dépasser les 12% de la population active en 2013, soit près de 20 millions de personnes sans emploi. Avec des pointes à 27% pour l'Espagne et la Grèce. La dette publique dépassera les 95%, avec des pics à près de 130% en Italie et plus de 175% en Grèce. "Le retour de la croissance viendra d'abord de la demande extérieure. L'investissement et la consommation devraient repartir plus tard dans l'année et en 2014, la demande intérieure devrait être le principal vecteur de la croissance", a estimé la Commission. "Nous devons continuer sur la voie des réformes", a estimé M. Rehn, au risque selon lui de "saper le retour de la confiance et de retarder la nécessaire reprise de la croissance et de la création d'emplois".