Les résultats des élections italiennes ont provoqué mardi un fort embarras à Bruxelles en relançant le débat sur les politiques d'austérité prônées par la Commission européenne, qui affirme entendre "le message d'inquiétude" des Italiens, mais réclame la poursuite des efforts budgétaires. Après quelques mois de répit, l'UE, et la zone euro en particulier, replongent dans l'incertitude en raison de l'impasse politique dans la péninsule. A Bruxelles comme dans les Etats européens, les dirigeants ont tenté de dissiper les inquiétudes. "Nous sommes confiants dans la capacité de l'Italie à former rapidement un gouvernement et à tenir ses engagements européens", a déclaré le porte-parole de la Commission, Olivier Bailly. Berlin a jugé "essentiel" qu'un "gouvernement stable et opérationnel" soit mis en place à Rome. Si elle persistait, cette "instabilité ne serait vraiment pas bonne pour l'UE", souligne Pascal Delwit, de l'Institut d'études européennes à Bruxelles. Le risque existe d'un retour aux "heures les plus sombres de la crise de la zone de l'euro", prévient Guy Verhofstadt, le chef de file des eurodéputés libéraux. Premier haut responsable européen à avoir réagi, le président du Parlement européen, le social-démocrate allemand Martin Schulz, a insisté sur la nécessité de tenir compte du "large vote de protestation" des électeurs italiens, qui ne sont "pas satisfaits" de la sévère cure d'austérité leur étant imposée. L'une des leçons du scrutin est que "les gens sont prêts à faire des sacrifices, mais pas coûte que coûte", a-t-il expliqué. Après les élections en Grèce, le scrutin italien est "un nouveau signal d'alarme" que les dirigeants "doivent entendre", a estimé Bernadette Segol, la secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats (CES). Pour elle, les résultats montrent que "beaucoup de gens ne comprennent pas que l'Europe trouve de l'argent pour sauver les banques, mais pas pour relancer la croissance". Cette incompréhension explique en partie le flop électoral du Premier ministre centriste Mario Monti, promoteur de cette rigueur et, de ce fait, candidat préféré de l'Europe, en particulier de l'Allemagne. Le porte-parole de la Commission a assuré que Bruxelles entendait "bien le message d'inquiétude émis par les citoyens italiens". Mais, a ajouté Olivier Bailly, "l'Italie a pris des engagements" sur la réduction de ses déficits et de sa dette, ainsi que sur les réformes structurelles. "Pour nous, ces engagements demeurent (...) et la Commission s'attend à ce que l'Italie honore ses engagements", a-t-il insisté. Prenant en compte la stagnation économique, Bruxelles a récemment assoupli sa position sur l'assainissement budgétaire. Le commissaire aux Affaires économiques, Olli Rehn, n'exclut pas d'accorder à des pays comme la France et l'Espagne un délai pour réduire leur déficit à 3%. Mais pour M. Delwit, les dirigeants européens ne pourront échapper à un débat plus profond, afin que la politique suivie "rende un peu d'espoir aux populations". "Ce message est surtout adressé à l'Allemagne, qui imprime les orientations dans la zone euro", selon lui. Mais il faudra pour cela attendre les résultats des élections prévues pour l'automne car la chancelière Angela Merkel "devrait rester sur ses positions de fermeté" jusqu'à ce scrutin. Depuis le début de la crise en 2008, la plupart des élections organisées en Europe ont débouché sur la défaite des formations au pouvoir, qu'elles soient de droite ou de gauche. Elles ont aussi été marquées par l'ascension de mouvements contestataires, populistes, voire d'extrême droite, prenant pour cible l'Europe, notamment en Grèce. Parti de rien, le Mouvement Cinq Etoiles de Beppe Grillo a démontré le potentiel électoral de ces nouvelles formations en s'adjugeant un quart des suffrages aux législatives italiennes. Mais, jusqu'à présent, aucune d'entre elles n'a été en mesure d'arriver au pouvoir, qui demeure aux mains des formations pro-européennes.