L'année 2013 a commencé en Italie par l'offensive de Berlusconi contre son rival qui commence à chasser sur son terrain, Mario Monti, le président du Conseil, démissionnaire. Le chef de file de la droite conservatrice qui n'hésite pas à flirter avec l'extrême droite, a entamé sa précampagne pour les législatives des 24 et 25 février prochain, a mené un réquisitoire en règle contre Mario Monti, ses soutiens et la gauche. «Notre pays est fort et plus fort et nous sommes la deuxième plus grande économie dans la zone euro, mais il y a un signe préoccupant parce que la mauvaise politique économique, menée par les techniciens, porte atteinte à la sécurité des citoyens», a-t-il dit à une chaîne de télévision italienne. Il a affirmé que l'austérité signifie la récession qui apporterait une augmentation du crime et, citant les données du ministère italien de l'Intérieur, rendues publiques dimanche dernier, il a estimé que «les vols ont augmenté de 17%, les vols à l'arrachée de 6% et les escroqueries de 7%» en 2012, en Italie. Selon lui, les données sur la criminalité en 2012 sont supérieures à celles de l'année précédente où il conduisait le gouvernement avec la Ligue du nord (extrême droite). Berlusconi a dénoncé, dans la foulée le «cynisme» du gouvernement Monti qui a dit, a-t-il rappelé, vouloir «sauver l'Italie», mais qui, selon lui, «l'a appauvrie par des impôts et la hausse de la criminalité», relevant que «les arrestations (de délinquants et de criminels) ont diminué, ce qui n'augure rien de bon pour le travail des techniciens». «L'égalité des chances pour les partis en compétition (pour les législatives) prônée par Monti est une arnaque, parce qu'il donne le même espace (durant la campagne électorale) aux grands et petits partis, ce qui augmente la dispersion des voix lors du vote», a-t-il également relevé, affirmant que le courant de Monti qui vient de lancer son slogan de campagne (Liste civique, avec Monti pour l'Italie), «va jouer un rôle de figurant». Berlusconi a rappelé que «ce n'est pas par hasard que, lorsque nous avions voulu modifier la loi à ce sujet, nous avions rencontré l'opposition du président sortant de la Chambre des députés, Gianfranco Fini et du chef de l'Union du centre, Pier Ferdinando Casini». Ces deux chefs de parti ont apporté leur soutien à Monti qui compte créer une coalition de trois listes pour la Chambre des députés et une seule liste pour le Sénat. «Nous voulons changer les règles et quand nous retournerons au gouvernement, nous agirons en conséquence», a indiqué Berlusconi. «Les modérés sont majoritaires dans le pays depuis 1948 et leur division devient un crime impardonnable», a souligné le chef de file du centre droit, estimant que celui des électeurs qui a à l'esprit de voter pour Fini et pour Casini, votera pour la gauche de Pier Luigi Bersani et l'extrême gauche de Nikki Vendola, chef du parti Sinistra, Libertà et Ecologia (gauche, liberté et écologie). Le centre gauche est favori dans les intentions de vote, selon un dernier sondage, avec 43%, et Berlusconi n'est crédité avec son ex-alliée, la Ligue du nord, que de 26,5% (respectivement 19 et 7,5%, alors que le courant de Monti frôle juste les 15 % et un nouveau mouvement populaire, 5 stelle (5 étoiles) conduit par un humoriste connu, Beppe Grillo, obtient 19,5%. Berlusconi en précampagne a, ainsi, lancé un appel aux électeurs, notamment de la classe moyenne qui, dit-il «ploie sur le fardeau fiscal», pour soutenir son courant, affirmant que ce dernier «est le seul rempart contre la gauche». «Nous sommes à 23,6% des intentions de vote, et à ce rythme, nous prévoyons d'atteindre les 40% des voix», a-t-il assuré, annonçant ce nouveau taux suite à un récent sondage secret qu'il avait commandé. La campagne électorale s'ouvrira 45 jours avant la tenue des élections législatives prévues les 24 et 25 février prochain.
La gauche italienne en pôle position En pleine recomposition et repositionnement, la gauche italienne a procédé, le 25 décembre dernier, à une primaire ouverte à tous les Italiens, pour désigner le chef de file du parti démocrate. L'actuel leader de ce dernier, Pier Luigi Bersani, est arrivé en tête avec 44,9%, talonné par le jeune maire de Florence, Matteo Renzi, étoile montante du parti democrate, avec 35,5%. 3,1 millions d'Italiens avaient participé au scrutin dans toute la péninsule. Cinq candidats issus de ce parti et d'autres petites formations de gauche étaient en lice pour ces primaires devant désigner le candidat de la gauche aux élections générales du printemps 2013. Les deux favoris étaient M. Bersani, 61 ans, un homme d'appareil, qui a été deux fois ministre dans des gouvernements de centre gauche, et M. Renzi, 37 ans, admirateur de Barack Obama, qui veut «mettre à la casse» la vieille classe dirigeante ex-communiste du parti démocrate. En troisième position, on trouve le président de la région des Pouilles, Nichi Vendola, 54 ans, considéré comme le plus à gauche et opposant farouche de la politique du gouvernement Monti. Selon les chiffres communiqués par M. Stumpo, il a obtenu 15,6%. Ces résultats serrés ne seront pas sans effet sur le leader de la gauche qui n'aura d'autres choix que d'adopter une ligne politique et un programme électoral plus radical, face à la tendance droitière de Mario Monti et aux injonctions de Bruxelles et des institutions financières, internationales. Crédité de 43% des voix, le centre gauche n'a pas intérêt à décevoir lors de la campagne électorale et est condamné à développer un discours qui se rapproche du programme de l'extrême gauche italienne de Nichi Vendola qui a récolté 15% des voix lors des primaires, ce qui en fait un acteur incontournable dans la coalition de gauche. «Ces primaires pour les députés et les sénateurs sont dans la suite logique du processus engagé depuis 2005 par le parti démocratique», indique Marc Lazar, professeur à Sciences-Po de Paris et à la Libre Université internationale des études sociales (Luiss) de Rome, cité par Libération et qui souligne l'importance de cette initiative : «Après les primaires locales, régionales [remportées début décembre par Pierluigi Bersani avec plus de 3 millions de participants, ndlr] et pour le leader de la coalition de gauche, c'est une généralisation du recours à ce mode de sélection des candidats. Dans un pays que l'on disait anesthésié par les télévisions de Berlusconi, cela montre que la gauche italienne a su chercher de nouvelles formes de participation politique. Ces primaires pour le Parlement correspondent, d'une part, à une exigence de transparence et, de l'autre, à une tentative d'aggiornamento du Parti démocrate pour promouvoir une nouvelle classe dirigeante». Ces primaires, même si elles ont permis la reconduction de Bersani, issu de la vielle garde du parti, ont permis à la nouvelle génération d'occuper le haut du pavé et à la relève d'émerger sur la scène politique. La gauche italienne ira, donc, aux législatives de février prochain en rangs serrés mais devra formuler un programme et un discours à la hauteur des attentes des Italiens. D'autant plus que Berlusconi dispose d'un empire de médias pour faire sa propagande et inverser la tendance en sa faveur comme il l'a toujours fait. Dans l'espoir de ratisser large, le parti démocratique a vainement tenté de dissuader Monti d'entrer dans la course des législatives en lui promettant la présidence de la république. Monti a préféré le scrutin universel au vote du 2e collège, estimant qu'il existait un espace politique entre Silvio Berlusconi - qui mène campagne contre «l'Europe allemande», l'austérité et les impôts - et la gauche, dont certains responsables s'opposent aux réformes du marché du travail et des retraites ou, encore, aux libéralisations. «Le parti démocrate ne s'attendait pas à cette décision de Mario Monti qui met Pierluigi Bersani en grande difficulté, analyse Marc Lazar. Celui-ci va devoir se démarquer du Professore, en gauchisant son discours au risque de créer des tensions avec la frange plus modérée du parti et avec les centristes avec lesquels il envisageait, à terme, une stratégie d'alliance». Le leader de la gauche se retrouve ainsi dans l'obligation de se démarquer, idéologiquement, de Monti et de radicaliser son discours mais, aussi, de formuler un programme de gouvernement qui fasse la différence d'autant plus que les primaires ont renforcé la gauche du parti démocrate, très critique sur les mesures d'austérité de Monti, lequel dénonce ceux qui, de ce côté de l'échiquier, «veulent conserver un monde du travail fossilisé et bloqué». «Que Mario Monti nous dise avec qui il est, quels sont ses choix et ce qu'il pense des droits civils» a, de son côté, attaqué Bersani, tenté, notamment, d'échapper au débat sur la règle budgétaire avec la relance des questions sociétales comme les droits pour les couples homosexuels. Avec le risque, là aussi, de froisser une partie de son électorat catholique et de prendre, de front, le Vatican mobilisé derrière la candidature Monti.
Bruxelles et le Vatican au secours de Monti Premier perdant dans les sondages qui ne créditent sa coalition de centre droit que de 15% d'intention de vote, Monti risque de perdre la face lors des prochaines législatives. Car il ne s'agit pas d'une défaite personnelle mais de tout le programme de sauvetage décidé par Bruxelles qui a imposé à l'Italie son technocrate et sa vision des réformes économiques. A ce propos, le chef du Mécanisme européen de stabilité (MES), Klaus Regling, s'inquiète de la situation politique en Italie où le chef du gouvernement Mario Monti a annoncé sa démission imminente alors que Silvio Berlusconi s'est dit prêt à revenir gouverner le pays. En fait, ce que redoute l'Europe, par la voix de Regling, c'est de voir la gauche prendre le pouvoir et changer de cap. «L'Italie a engagé des réformes importantes durant l'année écoulée. Les marchés ont réagi positivement jusqu'ici, toutefois, il ont réagi avec inquiétude aux événements de la semaine dernière», a déclaré M. Regling à un journal allemand. Réagissant aux annonces successives de l'ancien et de l'actuel président du Conseil italien, M. Monti, le chef du nouveau fonds d'aide européen qui a succédé au Fesf juge «important» que Rome poursuive le processus de réformes dans l'intérêt de l'Italie et de l'ensemble de la zone euro. Pour sa part, José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, a appelé les Italiens à ne pas «céder à l'illusion qu'il existe des solutions miracle (...). Il n'y a pas d'alternative à la correction des finances publiques et à l'amélioration des réformes qui font progresser la compétitivité», dans un entretien au quotidien économique, Il Sole 24 Ore. Les bureaucrates de Bruxelles abordent les perspectives politiques, italiennes avec prudence en usant d'euphémismes pour ne pas donner l'impression de s'immiscer dans les affaires intérieures du pays à la veille d'une consultation électorale, décisive. Si les fumées papales ne se manifestent pas directement, c'est l'Eglise italienne qui en exprime le vœu. Ainsi, l'Eglise défend le bilan de Monti et s'indigne contre «la crise morale». Elle se dit «abasourdie» par l'irresponsabilité de certains hommes politiques, italiens qui «pensent à s'installer alors que la maison brûle encore», a dénoncé le chef des évêques italiens, dans une critique indirecte à Silvio Berlusconi. Depuis un an, «le gouvernement technique a mis à l'abri [le pays] de capitulations humiliantes et hautement risquées», a déclaré le cardinal Angelo Bagnasco, président de la Conférence épiscopale italienne, prenant implicitement la défense du bilan du gouvernement de techniciens de Mario Monti. «On ne peut réduire à néant les sacrifices d'un an qui sont, souvent, retombés sur les couches les plus fragiles» de la population, a ajouté le prélat, en référence au programme de rigueur du gouvernement Monti. «Cela confirme l'enracinement d'une crise qui n'est pas seulement économique mais culturelle et morale», a-t-il observé. Après avoir soutenu le centre-droit de Berlusconi, l'Eglise et le Vatican avaient pris leurs distances en 2011. Manifestement les dés sont jetés et les Italiens ont décidé de reprendre en main leur destin. A. G.