«L'agression sauvage déclenchée par Israël contre Ghaza interpelle la conscience de chacun d'entre nous pour refuser le fait accompli»Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a prononcé un discours à l'occasion des travaux à huis clos du sommet arabe économique et de développement social à Koweït, dont voici le texte intégral. «Votre Altesse Cheikh Sabah Al Ahmed Al Djaber Al Sabah, Majestés et Excellences, Altesses, Monsieur le Secrétaire général, Excellences, Messieurs les ministres et les ambassadeurs, Mesdames et Messieurs, permettez-moi, en tout premier lieu, de remercier Son Altesse le Cheikh Sabah, le peuple et le gouvernement du Koweït frère pour l'accueil chaleureux et les marques particulières d'hospitalité dont nous avons été entourés ainsi que pour les excellentes conditions réunies pour le succès de ce sommet économique et social. Mes remerciements s'adressent également à M. Amr Moussa, Secrétaire général de la Ligue des Etats arabes, pour les efforts considérables déployés sous son autorité dans le cadre du processus préparatoire de nos assises. Notre sommet se tient à un moment politique grave pour le devenir de notre nation, moment qui requiert plus que jamais son unité et sa mobilisation. L'agression sauvage déclenchée par Israël contre le territoire palestinien occupé de Ghaza interpelle la conscience de chacun d'entre nous pour refuser le fait accompli, mettre fin à l'agression, exiger la levée du blocus injuste qu'elle subit et continuer à œuvrer à la réalisation des droits inaliénables du peuple palestinien frère à un Etat indépendant avec pour capitale El Qods Ech Charif et à la récupération de tous les territoires arabes occupés. Cet épisode supplémentaire dans la souffrance du peuple palestinien frère, qui est partagée par tous les citoyens de notre nation, nous oblige à réfléchir une nouvelle fois au concept de sécurité collective arabe et en particulier à la composante économique fondamentale de ce concept. A cet égard, nous espérons que nos travaux pourront représenter un saut qualitatif dans l'action arabe commune et jeter les fondements d'un ensemble économique fort dans notre région avec la conviction partagée qu'à l'ère de la mondialisation seuls les regroupements permettent de résister à la marginalisation et à la dépendance. Notre sommet est historique parce qu'il se tient dans un contexte économique international marqué par une crise financière et économique profonde dont on ne connaît pas encore toutes les retombées, une crise de l'énergie et une crise environnementale sans précédent, crises qui constituent des défis colossaux pour la communauté internationale en général et singulièrement pour notre région. Monsieur le Président, les défis globaux auxquels doit faire face la communauté internationale en ce début du XXIe siècle, dont certains sont nouveaux, sont sans commune mesure avec ceux du siècle dernier en raison principalement de l'accélération du phénomène de mondialisation, qui a renforcé l'interdépendance entre les nations. C es défis, de par leur nature globale, requièrent des réponses collectives passant impérativement par le renforcement de la gouvernance internationale et régionale. La crise financière, dont les effets néfastes se propagent rapidement à l'économie réelle, et dont on commence à percevoir les retombées sur nos exportations, les flux d'investissements étrangers directs, les recettes touristiques ou les remises des travailleurs émigrés, est une crise de la dérégulation et de la faiblesse de la gouvernance financière internationale. Il est essentiel que les pays arabes participent pleinement à l'identification des ripostes internationales aux défis posés par cette crise et en particulier à la négociation de la future architecture monétaire et financière internationale. La crise de l'énergie, due essentiellement à l'épuisement progressif des énergies fossiles, compliquée par le phénomène du réchauffement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre, somme la communauté internationale de rechercher d'autres modèles de consommation énergétique par l'introduction progressive des énergies renouvelables préservant l'environnement et à un coût assurant un développement économique suffisant. L'un des défis de ce siècle est de parvenir, de manière coordonnée, à la mise en place de ces nouveaux modèles énergétiques. Les pays arabes doivent se préparer à faire face de manière solidaire au défi des énergies renouvelables et leurs atouts ne sont pas négligeables en la matière, notamment pour ce qui est de l'énergie solaire. Lié au défi énergétique, sans se confondre complètement avec lui, le défi des changements climatiques est assurément l'un des plus cruciaux que doit affronter notre planète au cours de ce siècle. Ses effets sont déjà perceptibles en termes de sécheresse et de désertification, d'inondations ou de rareté de l'eau, ou de remontée du niveau des mers. Mais le pire semble à venir avec les probables déplacements de populations dans certaines régions du monde dus aux bouleversements climatiques, avec les conséquences économiques et politiques qu'ils ne manqueront pas de provoquer. La région arabe devrait être, selon les experts, parmi les régions du monde qui seront affectées par le phénomène des changements climatiques.Il est essentiel que nos pays affrontent de manière coordonnée et solidaire ce défi, et définissent ensemble une position commune dans les négociations engagées par la communauté internationale pour faire face à ce phénomène. Le défi de la sécurité alimentaire, essentielle dans la réduction de la pauvreté, et inscrit parmi les Objectifs du millénaire pour le développement, menace malheureusement encore une partie non négligeable des populations de notre région en dépit de son potentiel agricole important. La définition et la mise en œuvre d'une stratégie agricole régionale permettant d'exploiter tout notre potentiel de terres arables, en particulier dans les pays souffrant moins de la rareté de l'eau, peuvent contribuer à réduire cette menace. Les ressources financières, la technologie et le savoir-faire pour le succès d'une telle entreprise existent dans notre région. Une telle stratégie devrait être, cependant, soutenue par la conjonction de nos efforts dans l'arène internationale en vue notamment d'une conclusion heureuse du cycle de négociations commerciales de Doha accordant un rang de priorité élevé à l'agriculture. Monsieur le Président, les défis globaux que je viens de citer sont probablement les plus importants. Mais ils ne sont pas les seuls. De nombreux autres existent. On peut en citer quelques-uns tels que le terrorisme, le trafic transfrontière de stupéfiants, la criminalité transnationale ou la pandémie du sida. Aucun ne peut être efficacement et durablement combattu sans démarche globale. La démarche régionale ne nous semble pas moins essentielle tant pour ses mérites intrinsèques, en tant que cadre d'une stratégie engageant les pays étroitement liés par un destin commun, qu'en tant qu'instrument au service de la transformation du cadre global. Les pays qui ont mis en place des ensembles régionaux en Europe, puis en Asie du Sud-Est et en Amérique latine et aujourd'hui en Afrique, ont compris l'utilité et l'apport important de tels regroupements à leur capacité de négociation internationale et au bien-être de leurs peuples. Le temps est sans doute venu de passer à une étape nouvelle et à un changement qualitatif sur la voie de la mise en place d'un ensemble régional crédible et cohérent. Notre héritage historique et civilisationnel commun, la continuité géographique qui caractérise nos pays et l'emplacement stratégique de la région arabe, l'abondance des ressources humaines et naturelles, en particulier l'énergie, la disponibilité de ressources financières et les mécanismes institutionnels mis en place depuis plus d'un demi-siècle autour de la Ligue des Etats arabes, autant que la volonté politique de plus en plus affirmée des dirigeants arabes, constituent des atouts qui rendent possible la réalisation de cet objectif dans un avenir raisonnable. Il demeure entendu que le progrès sur la voie de la mise en place de cet ensemble nécessite la mise en évidence des complémentarités économiques sur lesquelles il serait bâti, de même qu'une harmonisation et une convergence des politiques économiques de nos pays et des différents espaces qui composeront le futur ensemble, tels que l'espace enseignement et recherche scientifique ou l'espace social. Un tel ensemble requiert enfin la mise en œuvre de quelques grands projets arabes structurants tels que ceux identifiés au cours du processus préparatoire à ce sommet en matière de raccordement des réseaux électriques et ferroviaires et d'autres dans le domaine des ressources en eau ou dans celui de la sécurité alimentaire. L'un des indicateurs éloquents de la faiblesse actuelle de notre intégration est sans doute le commerce. Alors que la part des pays en développement dans les échanges mondiaux s'est accrue de manière considérable au cours des dernières années, jusqu'à représenter 34% de ces échanges, ce qui en fait l'un des grands bouleversements de notre époque dans le domaine des relations économiques internationales, les échanges interarabes ne se situent qu'à 13% du commerce total de nos pays malgré les complémentarités nombreuses existant entre nos économies. J'ai le plaisir, dans ce domaine, d'annoncer la finalisation le mois dernier, par mon pays, de l'ensemble des procédures relatives à son adhésion à la zone arabe de libre-échange. Au-delà du commerce, les investissements interarabes recèlent un potentiel considérable pour le développement de nos économies et la création de richesses. Alors que la période actuelle se caractérise par des progrès importants dans la mise en place d'entreprises communes entre capitaux arabes et capitaux provenant de pays industrialisés, la part des entreprises associant des capitaux arabes entre eux, bien qu'elle ait enregistré récemment un essor remarquable, reste encore faible. Je suis persuadé que l'apparition récente d'entreprises du secteur privé arabe, modernes et performantes, aux côtés des entreprises du secteur public, est de nature à apporter une contribution significative au développement économique et social de notre région. Par ailleurs, et en dépit de nos potentialités et des efforts significatifs menés par certains de nos pays, notre indice moyen de développement humain est encore parmi les plus faibles de la planète, que cela soit pour les aspects relatifs à l'éducation, à la santé ou à la participation des femmes au développement. De même, le taux moyen de pénétration des technologies de l'information et de la communication reste modeste dans la région arabe. Je suis persuadé qu'une amélioration suffisante de nos performances dans ces domaines, qui reflètent en dernière analyse le bien-être de nos populations, représente non seulement l'objectif ultime de nos politiques et de nos efforts, mais également une condition indispensable à la modernisation économique et sociale de nos pays. Monsieur le Président, pour ce qui la concerne, l'Algérie a, au cours de la dernière décennie, recouvré sa stabilité et s'est engagée dans un vaste processus de développement et de modernisation de son économie. C'est ainsi qu'elle a lancé un Programme de soutien à la croissance pour la période 2005-2009 d'un montant dépassant 200 milliards de dollars. Ce programme a, d'ores et déjà, des retombées d'une grande importance sur les citoyens, mais aussi sur les opérateurs économiques et l'environnement des investissements. Il porte essentiellement sur de grands projets d'infrastructures tels que la construction de l'autoroute Est-Ouest, le développement du transport ferroviaire, des projets de transfert d'eau, de réalisation d'un million de logements ou le développement des Hauts Plateaux et de la région sud. Ce programme permet au partenariat, notamment arabe, de connaître une dynamique nouvelle que devrait accélérer l'adhésion de l'Algérie à la Zone arabe de libre-échange. Parallèlement à ce programme, un grand effort d'adaptation et de réforme de notre cadre législatif et réglementaire a été entrepris en vue de le rendre plus avantageux et plus souple et d'encourager l'activité économique et l'investissement, de même qu'une modernisation du secteur bancaire visant à améliorer notre système de paiement. Ce renforcement des équilibres internes et externes de notre économie se reflète très clairement dans les principaux indicateurs pour l'année 2008 avec une croissance économique globale de 6,1% hors hydrocarbures, taux de croissance qui me permet de dire aux investisseurs arabes qu'il y a en Algérie une croissance à partager. Monsieur le Président, les potentialités importantes que recèlent nos pays constituent des atouts précieux pour l'édification d'un ensemble solide et crédible permettant de mieux résister aux retombées négatives de la mondialisation, mais également de satisfaire les aspirations de nos peuples à un devenir commun conforme à leur héritage historique et civilisationnel. Pour cela, une démarche déterminée et rationnelle, adossée à des mécanismes de suivi et de financement efficaces, sera sans doute nécessaire à toutes les étapes de ce processus afin de ne pas hypothéquer les chances de succès de ce projet crucial pour notre nation. Notre intégration réussie à l'économie mondiale et notre inscription parmi les acteurs importants d'un monde en perpétuelle mutation sont à ce prix.»