"C'est un dirigeant comme Staline qu'il nous faudrait aujourd'hui", affirme Ioulia Kalatcheva, venue déposer des fleurs sur la tombe du dictateur à l'occasion des 60 ans de sa mort, ne cachant pas, comme de nombreux autres Russes, son admiration pour lui. Plusieurs centaines de personnes, toutes générations confondues, se sont rendues mardi matin, par un froid polaire, sur la Place Rouge à Moscou pour honorer la mémoire de Staline, enterré au pied du Kremlin, endroit le plus symbolique et le plus prestigieux de Russie. Brandissant des drapeaux rouges et or ornés de la faucille et du marteau, emblème de l'Union soviétique, ou des portraits du dirigeant mort le 5 mars 1953, elles ont déposé, à l'instar du chef du parti communiste Guennadi Ziouganov, d'énormes bouquets d'œillets rouges devant son buste. "Avec lui au pouvoir, l'ordre régnerait, pas comme maintenant", maugrée Ioulia Kalatcheva, 45 ans. Pour cette militante communiste, les autorités actuelles "manquent de fermeté". Comme elle, de nombreux Russes conservent une attitude ambivalente à l'égard du défunt dictateur, entre la condamnation de la terreur et des répressions et son rôle dans la victoire à la fin de la 2e guerre mondiale. Selon un sondage du centre Levada publié mardi, près de la moitié de la population estime que Staline a joué un rôle "positif", contre un tiers qui pense le contraire. "Staline était un génie, il a fait d'un pays arriéré une superpuissance", estime Larissa Tokounova, une juriste de 50 ans venue spécialement de la péninsule du Kamtchatka, située à huit fuseaux horaires de Moscou, en Extrême-Orient russe. "Si nous voulons remettre sur pied le pays, on ne pourra le faire que comme lui l'a fait", ajoute-t-elle. Le règne stalinien a pourtant été marqué par un régime de terreur et d'arbitraire, la déportation de peuples entiers (Tchétchènes, Ingouches, Tatars de Crimée, etc.) et la mort de millions de personnes, fusillées ou exterminées dans les camps de travail. Mais depuis le milieu des années 1990, son image s'est progressivement améliorée, les réformes libérales provoquant une montée de la nostalgie pour l'époque soviétique. Et avec l'arrivée de Vladimir Poutine à la tête de l'Etat, le processus de réhabilitation du dictateur s'est poursuivi de plus belle, la position du président russe sur le sujet n'étant pas sans équivoque. "Dans l'histoire, tout n'est pas noir ou blanc", estime Roman Fomine, organisateur d'un des hommages à Staline. "L'époque était dure, rude. Il y a eu des répressions, mais elles ne doivent pas masquer la grandeur qu'a atteint le pays", ajoute cet entrepreneur de 48 ans. Pour Evgueni Filiptchenkov, les répressions de l'époque sont aujourd'hui "exagérées". "Staline était un homme exceptionnel", juge ce retraité de 70 ans, qui affirme que son père était un garde du corps du dirigeant. "Je ne sais rien des victimes de Staline", reconnaît pour sa part Marat Mouzaïev, 25 ans, avant de demander : +et combien y a-t-il eu de victimes après la chute de l'URSS ?+" "Staline, c'est la victoire à la guerre, ce sont les réussites de l'URSS, militaires, industrielles. C'est le symbole de l'amour de la Patrie et de l'Etat", poursuit le jeune homme. Une centaine de personnes se sont également rassemblées devant le musée consacré au dictateur à Gori, sa ville natale, en Géorgie.