Les dirigeants européens se sont réunis jeudi pour tenter d'évaluer la dose de flexibilité nécessaire dans l'assainissement des finances publiques pour relancer la croissance et l'emploi, surtout celui des jeunes, sur fond de contestation sociale contre l'austérité. Pour la première fois depuis longtemps, les 27 chefs d'Etat et de gouvernement n'étaient pas sous la pression de la crise financière, ce qui a permis à leur discussion de prendre une dimension plus politique, mais sans aucune décision concrète. L'enjeu était de "définir en quoi consiste" l'équilibre entre consolidation budgétaire et croissance, avait expliqué avant la réunion un diplomate européen, opposant d'un côté "le camp de l'austérité" mené par l'Allemagne et la chancelière conservatrice Angela Merkel, de l'autre celui de la flexibilité avec la France et son président socialiste François Hollande. Au final, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a salué des discussions "sereines et intenses". Il y a "une grande convergence de vues", a assuré M. Hollande, expliquant que l'objectif visé était "que la discipline budgétaire soit compatible avec la perspective de croissance". La France réclame un délai pour ramener son déficit public à 3% du PIB, et plus généralement, veut desserrer l'étau budgétaire. Elle n'en est pas moins "le bon élève" européen sur le plan budgétaire, a assuré M. Hollande. Fidèle à sa position, la chancelière Angela Merkel a souligné que "la consolidation financière, les réformes structurelles et la croissance ne sont pas incompatibles, mais vont de pair". "Le seul moyen de sortir de la crise est de continuer à combattre ses causes", mais "les résultats prennent du temps à se traduire en termes d'activité économique et d'emplois", a reconnu M. Van Rompuy, alors que l'Europe est minée par la récession et un chômage de plus en plus massif. Cette réunion s'est d'ailleurs tenue sur fond de tension sociale et politique, en particulier dans les pays les plus frappés par la crise, où l'Europe est sur le banc des accusés. La contestation s'est encore exprimée dans la rue jeudi. A l'appel des syndicats européens, un rassemblement contre l'austérité a réuni à Bruxelles quelque 15.000 personnes, selon les organisateurs, dont des délégations des groupes Caterpillar et ArcelorMittal, qui ont récemment annoncé des milliers de suppression d'emplois en Belgique. Au même moment, des milliers d'étudiants manifestaient à Madrid contre les coupes budgétaires dans l'éducation. La contestation se traduit aussi dans les urnes, comme l'ont illustré récemment les élections italiennes. Le sommet était ainsi le dernier du chef de gouvernement italien Mario Monti, qui a été désavoué lors des législatives. Dans une lettre à ses collègues rendue publique jeudi soir, M. Monti souligne qu'il a mis en ouvre précisément la politique d'assainissement budgétaire qui lui était demandée, mais que les résultats ont été trop long à venir aux yeux de ses concitoyens. Il plaide pour plus de "flexibilité" et insiste sur la nécessité de s'attaquer au chômage. Ce serait "le meilleur message pour contrer la vague de populisme et la désaffection envers l'Union européenne". "Nous sommes pleinement conscients du débat qui monte et même du désespoir de certains", a reconnu M. Van Rompuy, indiquant que "le chômage, et en particulier celui des jeunes, avait été au cour des discussions" jeudi. Dans ses conclusions, le sommet exhorte les pays de l'UE à mettre en ouvre rapidement l'accord trouvé en février au niveau européen pour que chaque jeune au chômage se voie offrir une offre d'emploi ou de formation. Il insiste sur la nécessité de combler les retards accumulés dans la mise en place du marché intérieur européen, et prévoit un calendrier de sommets thématiques sur quelques dossiers cruciaux pour l'économie européenne: l'énergie, l'innovation, les nouvelles technologies et l'industrie. La politique étrangère a par ailleurs fait irruption dans ce sommet par la voix de M. Hollande, qui a demandé "que les Européens lèvent l'embargo" sur les armes pour l'opposition syrienne. Si elle ne parvient pas à convaincre ses partenaires européens, la France est prête à "prendre ses responsabilités" et à livrer des armes à l'opposition syrienne, a-t-il affirmé. Après le dîner, les seuls dirigeants des 17 membres de la zone euro se sont réunis pour évoquer leur situation économique, avec les présidents de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, et de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem. Vendredi, après une matinée consacrée à la Syrie, les chefs d'Etat et de gouvernement laisseront place à leurs ministres des Finances, qui tenteront de finaliser un plan d'aide pour Chypre. "Nous espérons pouvoir négocier et trouver une solution" dès vendredi, a déclaré le nouveau président du pays, Nicos Anastasiades.