Décidément, Safy Boutella semble décidé à ne pas partir comme Iguerbouchen et Saïd Bestandji, c'est-à-dire de laisser mourir avant de diffuser tous ses produits et être reconnu pour ce qu'il est (un grand compositeur) durant sa vie. Safy Boutella, dont le père était officier supérieur de l'ANP, est l'un des rares à avoir utilisé son piston à bon escient. En effet, lors de la conférence de presse donnée hier au cercle Frantz Fanon, à Ryadh El Feth, le musicien a tenu à rappeler cette histoire lorsque son père était allé voir Sid Ahmed Ghozali pour lui demander de l'envoyer pour une carrière de musicien.L'ex-PDG de Sonatrach avait heureusement accepté la proposition, car l'Algérie a gagné un artiste qui ne cesse de produire pour le pays, même quand il est au bout du monde. La reconnaissance Pour fêter les trente années de carrière de Safy Boutella, le ministère de la Culture a pris l'initiative de rendre hommage à cet artiste qui est en fait une machine à produire de la musique en proposant un coffret de CD et de DVD comprenant tous les albums enregistrés durant sa carrière. La conférence de presse a été donnée en présence de Hakim Taousar, directeur général de l'ONDA, et Mustapha Orif, directeur général de l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (Aarc), qui ont contribué à la réalisation du coffret. Boutella, qui préfère largement s'exprimer en passant ses doigts sur un clavier de piano ou en tapant les paumes de ses mains sur une tumba, a quand même tenu à dire quelques mots malgré la grande émotion. La différence entre ses débuts et aujourd'hui est surtout le fait que ses parents ne sont plus là. «Durant mes trente années de carrière, je n'ai pas fait le chaâbi, ni l'andalou, ni aucune musique, mais j'ai fait le tout», a déclaré le musicien qui a été formé aux Etats-Unis au début des années 1970. Promesse tenue Il faut rappeler que Boutella avait tenu sa promesse de ne pas trahir ceux qui lui avaient accordé une bourse, puisqu'il est revenu et a travaillé au service culturel de Sonatrach, qui était très actif à l'époque. Pour rappel, ce service était dirigé par des professeurs et des musiciens de talent, tels que feu Mohamed Mazouni et son fils Bachir, et le percussionniste Nacereddine Laouedj, pour ne citer que ceux-là. Ayant consacré sa vie au vrai travail de recherche, Boutella a déclaré qu'il avait refusé d'enregistrer un deuxième «Kutché» malgré tous les conseils et les propositions de l'époque.Il a noté qu'il n'a jamais cessé de travailler et de produire, même pendant la décennie noire. Il a précisé que même lorsqu'il est en Europe ou en Amérique, il réalise des produits algériens. «Je suis toujours là et je ramène mon travail à la maison» (l'Algérie). Le compositeur a saisi l'occasion pour annoncer la sortie prochaine d'un CD (concert de 2007).Boutella a tenu à assurer que le coffret des trente années de carrière n'est pas venu pour lui permettre un congé, mais pour lui donner un autre souffle, car il a de grands projets en tête. Il tient absolument à la construction d'une école internationale de musique en Algérie. Pour lui, il faudrait produire des musiciens par centaines.«J'attends la relève pour pouvoir avancer», a-t-il déclaré. Il compte également composer une symphonie pour l'Emir Abdelkader et une autre pour les harraga. Ce problème semble toucher profondément l'artiste, qui compte réaliser un travail d'exception pour les inciter à rester en Algérie.Il faut signaler que le coffret contient une quinzaine de CD, des DVD, ainsi qu'un livret dans les deux langues (arabe et français) contenant la biographie de l'artiste, la liste de ses albums et celle des films dont il a composé la musique (une soixantaine).