Une fois encore, le célèbre compositeur algérien aura démontré toute l'étendue de son immense talent. Dès les premières notes du «check-sound», ou la balance, le son de Safy Boutella était déjà perceptible à des centaines de mètres à la ronde. La touche du maître était reconnaissable à l'ambiance de transe qu'elle renvoie très vite. Et pour cause, l'œuvre de Safy Boutella se situe à mi-chemin entre la tradition et la modernité, comme cette rythmique d'enfer où il mêle le aâlaoui et le hip-hop. Le lancement des réjouissances fera vibrer les alentours de l'espace ouvert de l'esplanade Riyad El Feth. Un rythme groovy qui fera déhancher beaucoup de monde, même parmi la gente féminine qui s'en est donnée à cœur joie. Les pulsations de la grosse caisse se disputaient allègrement les claquements du djembé conduit pour la circonstance de main de maître par le talentueux percussionniste Fethi Tabbouche, dit Toto. Les riffs de guitare se sont, eux, longuement chamaillés avec les trémolos des violons. Il aura fallu que Safy intervienne pour qu'il règne enfin une harmonie et que le public entre pleinement en communion avec sa musique. Comme toujours, son art évolue sensiblement entre l'intuition africaine et une rationalisation à l'occidentale. Safi est le produit de son parcours Sa musique, comme par exemple Sud ou encore Chebba ya chebba, est une sorte d'expression plurielle qui n'enlève rien à l'authenticité de l'artiste. C'est là justement que réside le secret de l'universalité. Autrement dit, Safy Boutella est aussi le produit de son parcours. Africain de souche, il a dû se frotter à ses débuts à une formation classique aux conservatoires d'Alger et de Paris avant d'étudier le jazz, une musique afro-américaine, au célèbre Berkeley College of Music de Boston. Bien structuré, son concert se voulait un peu comme une rétrospective de sa longue carrière. Voyant comme à son accoutumée les choses en grand, une attitude qualifiée injustement par certains de mégalomanie, Safy Boutella ne justifiera pas moins ses exigences par une qualité de son et un éclairage irréprochables. Le «produit fini» livré au public ne dénotera pas moins de la grandeur véritable de ce compositeur hors pair. Des tableaux de Medjnoun seront offerts au public avec parfois une vingtaine de musiciens sur scène. Une partie du public s'amusait souvent à deviner dès les premières notes de l'intro des titres comme La Camel ou encore Salut cousin, la musique du film de Merzak Allouache. Pendant ce temps, des groupes de jeunes s'impatientaient de voir la star du moment, à savoir Kader Japonai (sans s). Rencontré quelques instants after-show, Safy Boutella s'est dit révolté par le manque flagrant d'organisation. Il nous apprendra ainsi que plusieurs de ses musiciens ont dû montrer patte blanche pour passer le cordon de sécurité. Certains d'entre eux n'auront reçu leurs badges qu'une fois montés sur scène. Pis encore, à la fin du concert, Safy Boutella a dû faire appel lui-même à ses connaissances personnelles pour pouvoir raccompagner ses musiciens à l'hôtel. Malgré ces premiers couacs, le Panaf continue…