La poursuite judiciaire contre la France pour les massacres du 8 mai 1945 comme étant des crimes contre l'humanité, nécessite d'abord l'intégration de ce genre de crimes dans le droit algérien, estime le bâtonnier Miloud Brahimi. Pour pouvoir juger ce genre de crimes, il y a nécessité de se référer aux standards internationaux en termes de lois, car l'espoir vis-à-vis de la justice française et algérienne autour de cette question est "bloqué", insiste Me Brahimi dans un entretien à l'APS à l'occasion de la commémoration des massacres du 8 mai 1945 commis par la France à Sétif, Guelma et Kherrata, tout en affirmant que "le combat doit, tout de même, continuer". "Les massacres du 8 mai 1945 sont un crime incontestable contre l'humanité mais on ne peut pas les juger en France car ce pays n'a intégré dans son code pénal le crime contre l'humanité qu'en 1993 et considère que la loi pénale n'est pas rétroactive, donc ces crimes ne sont pas justiciables", a-t-il rappelé, en notant qu'il n'y avait que la CPI pour juger ce genre de crimes. "Lorsque la partie algérienne, représentée par des familles de certaines victimes et des organisations, a voulu déposer plainte en France, il leur a été répondu qu'il s'agissait de crimes de guerre prescrits et, en même temps, amnistiés par les accords d'Evian de 1962", a-t-il tenu à souligner. A cet égard, cet avocat et militant des droits de l'homme déplore la non-adhésion de l'Algérie à la CPI comme la non-intégration de ce genre de crime dans le code pénal algérien, précisant que toutes ces raisons font que "ces crimes ne peuvent être jugés actuellement ni en France, ni en Algérie". Frilosité sur l'intégration des crimes majeurs dans le code pénal algérien "Je milite depuis toujours pour l'intégration de crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et les crimes de génocide, des crimes que je considère majeurs, dans le code pénal algérien. Malheureusement, je constate une frilosité chez nous sur ces questions", a-t-il fait savoir, déplorant, dans ce cadre, les efforts vains fournis par certaines organisations et familles de victimes. Me Brahimi, ancien président de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH), s'est interrogé dans cet entretien sur le pourquoi de l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, sur le fait qu'ils ne soient pas amnistiables et sur l'application de la non-rétroactivité de la loi pénale pour ces crimes. "Pourquoi dit-on que les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles et pourquoi ne dit-on pas que ces crimes ne sont pas amnistiables? Si c'était le cas, les accords d'Evian de 1962 auraient déjà tout réglé car ils avaient amnistié tous les crimes de guerre commis pendant la colonisation, mais ils laissent entier le problème des crimes contre l'humanité", a-t-il relevé. Par ailleurs, l'avocat qui soutient la poursuite de "ce combat", ne présente pas un grand intérêt pour la reconnaissance de la France de ses crimes coloniaux commis en Algérie car "ceci ne changerait en rien, de son point de vue d'Algérien, le caractère criminel de la colonisation française en Algérie qui a duré 130 années". Il a souligné, dans ce contexte, le rôle que doit jouer les historiens de part et d'autres dans la sauvegarde de la mémoire qui lie les deux pays afin que les générations montantes puissent connaître les vérités de la colonisation française en Algérie, la souffrance du peuple algérien et les crimes commis durant toute cette période.