L'Agence de presse américaine Associated Press (AP) a révélé, mardi soir, avoir mis la main sur un «trésor». Il s'agit d'une lettre, datée du 3 octobre 2012, envoyée par les éléments d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) à Mokhtar Belmokhtar, alias Khaled Abou El Abbès. Elle aurait accéléré sa démission de la nébuleuse, en décembre 2012. La lettre a été retrouvée dans un immeuble, occupé auparavant par Aqmi, à Tombouctou, au nord du Mali. Elle a été vérifiée par trois experts, dont l'ancien responsable de la lutte antiterroriste pour l'Afrique au Pentagone, Rudolph Atallah. Cette lettre révèle beaucoup le personnage et le fonctionnement d'Aqmi, qui ressemble à celui d'une entreprise. Les responsables d'Aqmi étaient tenus d'écrire des notes de dépenses financières mensuelles. Elle retrace en 30 points, les relations difficiles entre Belmokhtar et Aqmi. Les dirigeants le décrivent comme «une plaie saignante». En dix pages, les signataires de la lettre lui reprochent «de ne pas répondre au téléphone quand ils appellent, de ne pas rendre de notes se rapportant aux dépenses financières qu'il engageait, de ne pas assister aux réunions et surtout de ne pas exécuter les ordres de ses supérieurs». Ils poursuivent les critiques contre Belmokhtar, notant qu'«il refuse de suivre quiconque et veut uniquement être un leader». La même source lui reproche surtout de «n'avoir obtenu que 700 000 euros pour la capture du diplomate canadien Robert Fowler, en 2008, et un de ses collègues». D'après la lettre, «le commandement d'Aqmi avait mis ces otages à la disposition d'Al-Qaïda pour que ces détenus servent de monnaies d'échange dans la guerre américaine en Afghanistan», mais le «Borgne» a continué à agir en solo». «Plutôt que de suivre le plan que nous avions mis au point, il a mené l'affaire comme il l'entendait. Ici, nous devons nous interroger : qui a mal géré cet enlèvement important ? [...] Est-ce que ça vient du comportement unilatéral de notre frère Abu Abbas [le nom de guerrier de Belmokhtar], qui a mené à une «transaction peu rentable, financièrement» : échanger un colis des plus importants (des diplomates canadiens) pour un prix des plus ridicules (700 000 euros) ?», s'interrogent-ils. Aqmi reproche également à «Belmokhtar de ne pas avoir acheté suffisamment d'armes alors qu'il possède une fortune importante». Ils soulignent également «la désobéissance permanente de Belmokhtar, qui est allé en Libye contre leur volonté». «Pourquoi les émirs successifs de la région n'ont-ils de difficultés qu'avec vous ?», lui écrivent-ils. La lettre confirme en outre la distance entre Aqmi et Al-Qaïda. «Tu connais les grands obstacles qui existent entre nous et le leadership central... Par exemple, depuis que nous leur avons prêté serment et jusqu'à aujourd'hui, nous n'avons eu que quelques messages de nos émirs à Khorasan [le nom ancien de la région du Pakistan et de l'Afghanistan], des deux cheikhs, Ben Laden et d'Ayman [Al Zawahri]. Tout cela malgré les nombreuses lettres que nous leur avons envoyées», ont-ils écrit, selon le document cité par AP. Belmokhtar déclarait quitter Aqmi et former son propre groupe, les «signataires du sang», en décembre. En janvier, il procédait à l'action terroriste contre le complexe gazier d'In Amenas. Donné pour mort par les Tchadiens, au mois de mars, «le Borgne» refait son apparition en mai pour revendiquer le double attentat terroriste au Niger.