C'est là une question que mes amis occidentaux me posent souvent. Et ma réponse est invariable : «Oui, et parfois, beaucoup trop à mon goût !» Ce qui évidemment ne cesse de les surprendre… Car la plupart d'entre eux, souvent des hommes pourtant avertis et rompus aux arcanes médiatiques, s'imaginent que sous nos contrées «barbares», les systèmes politiques en place nous censurent «tous azimuts»… Oui, je sais qu'en disant cela, je me risque également à une levée de boucliers de la part de certains confrères bien intentionnés qui protesteront contre cette «vérité». Et pourtant cela est tellement clair, malgré toutes les «censures» qu'ils pourraient m'opposer. Il y a, certes, des jugements inacceptables, des offenses au métier, des gardes à vue arbitraires et des emprisonnements pour de pseudo-délits d'opinion. Je ne l'ignore pas. Tout le monde le regrette. Et ce n'est dans l'intérêt de personne car cela nuit à nos options de démocratie. Mais, à côté de ces quotidiennetés où, reconnaissons-le, notre presse tire à vue sur tout ce qui bouge, n'est-ce pas un peu de notre faute ?… Il suffit de consulter nos journaux pour s'en convaincre. Mon propos en avançant cela n'est pas de juger notre jeune presse quelquefois maladroite. Non, mon propos est de préciser, qu'a contrario, en Occident, dans le vieux continent notamment, les médias n'ont pas nos privilèges, malgré tout ce qu'ils veulent nous faire croire. Ils n'ont pas, en tout cas, cette faculté qui leur permettrait d'affirmer qu'ils sont libres. Car ils ne le sont pas ! Pourquoi ? Parce qu'ils sont tributaires de l'argent, ce fameux nerf de la guerre. Or, pour avoir de l'argent, il faut soit montrer patte blanche, donc rouler pour un parti, un lobby, une organisation, un homme…, soit faire carpette. Evidemment, ici aussi, je m'expose aux foudres de mes confrères occidentaux. Pourtant, je les mets au défi de me contredire, tant l'actualité quotidienne me conforte dans cette idée et me donne raison dans la plupart des cas. A preuve tous les articles qui semblent dictés par une même voix, pour des canards de différents horizons, dès lors que certains sujets sont abordés. Je citerai seulement en exemples, ceux ayant trait au sexagénaire conflit du Proche-Orient. C'est le même son de cloche partout. Bien sûr, pour tromper le badaud, on saupoudre le tout de quelques zestes, tels une chronique (qui n'engage et ne reflète que le point de vue de son auteur), ou un commentaire. Au mieux on réservera un espace «lecteur» qui fera office de tribune-débat démocratique… Comme un seul homme, tous les JT de France et de Navarre, relayés par les autres JT de la communauté européenne, suivis aussitôt par les British tabloïds et bien au-delà par tous les «cow-boys» outre-Atlantique, affirmeront en chœur, par exemple, qu'il faudra présenter devant le TPI tel dictateur africain. D'accord, mais pourquoi pas alors juger aussi les auteurs des massacres de Ghaza ? No comment ! Nuremberg est tellement loin… En chœur, ils s'élèveront, mes chers confrères contre les augmentations du prix du baril de pétrole, mais jamais ils n'expliqueront à leurs auditeurs, lecteurs ou téléspectateurs que la hausse des prix à la pompe est due aux accises énormes prélevées par leurs gouvernements respectifs pour grossir les budgets d'Etat. Des budgets en déliquescence quand il s'agit de régler les problèmes des chômeurs et des catégories sociales les plus éprouvées par la crise, mais prompts à soutenir des institutions financières multinationales… Cela, on ne le lit pas dans la presse d'ici. Par contre, on apprendra que les pays producteurs de pétrole veulent nous laisser mourir de froid sous ces latitudes… Dans l'affaire qui opposa la Géorgie à la Russie – qui réussit avec brio son examen de passage – lorsque Bush voulut éprouver Poutine, tous les médias, comme un seul homme, accusèrent Medvedev, alors que ce fut l'ex-agent américain, devenu président, qui alluma le brûlot !!!! Et j'en passe… C'est quasi quotidien mais surtout révélateur. Révélateur du fait que la presse occidentale, à de très rares exceptions, comme ces médias virtuels, heureusement, de plus en plus libérés par le web, n'est pas libre de ses faits et gestes. Personne ne me contredira. C'est trop flagrant… Alors la presse algérienne, libre ou non ? Je ne vous ferai pas l'offense de réaffirmer ma profonde conviction. J'ai été formé à l'école de l'autocensure et de la critique constructive, et j'estime encore que notre presse est avant tout à vocation éducative. C'est donc au journaliste d'avoir des principes et des règles de conduite. Il a d'ailleurs le loisir de refuser d'écrire un article contraire à ses idées, principes et autres valeurs. En Occident aussi, fort heureusement cela existe. Et, ici aussi, beaucoup de professionnels paient très cher leurs convictions. Souvent au plus haut niveau de la hiérarchie. Comme on le voit là ici encore, ne voilà-t-il pas, s'il en fallait une preuve, que ces médias sont loin d'être libres comme ils le prétendent ? En conclusion, mes chers lecteurs, comme dirait ce président africain accusé de despotisme, et que l'on tente de présenter devant le TPI pour d'obscures raisons : soyez reconnaissants et fiers d'avoir autant de journaux libres, en si peu de temps chez vous, en Algérie. Je sais aussi, pour l'avoir pratiqué moi-même, que si vous êtes branchés sur les bouquets satellitaires – TPS entre autres – c'est pour, vous semble-t-il, être mieux informé. Sachez alors que votre serviteur, depuis qu'il est outre-Méditerrané, fait le contraire et qu'il ne manque jamais de lire toute la presse algérienne sur le web ! Et je peux vous assurer qu'il n'y a pas photo : on est, ainsi, mieux et plus objectivement informé ! Et comme dit l'adage : «Ce n'est que lorsqu'on perd quelque chose que l'on se rend compte de sa juste valeur.»