Au moins 25 personnes ont été tuées et des dizaines d´autres blessées, samedi à Benghazi, par le groupe armé «Scoud de Libye». Des centainesde manifestants s´étaient rassemblés devant le siège de cette brigade qui fonctionne comme une force de sécurité locale, avec l´autorisation du ministère de la Défense pour réclamer sa dissolution par les autorités nationales. Venue en renfort sur les lieux, l´armée régulière y a perdu cinq de ses hommes dans des affrontements avec cette milice. Un véritable massacre, un de plus, qui survient deux ans après la fin de la guerre. Un massacre commis contre des civils qui réclamaient des autorités gouvernementales d´exercer le principal attribut du futur Etat que la nouvelle Libye veut se donner : la sécurité. Or, la mise en place d´institutions capables d´assurer la sécurité des citoyens exige d´abord que soient récupérées les armes en circulation et que soient délogées les dizaines de milices de tout bord, politique et religieux des fiefs qu´elles contrôlent depuis la chute du régime du colonel Kadhafi et d'obtenir leur dissolution. Certes, la mission d´Etat unitaire des nouvelles autorités libyennes n´est pas facile à mettre en œuvre dans un pays où il n´y a jamais eu d´Etat-Nation. La disparition du régime de la Jamahiriya n´a pas laissé comme en Tunisie et en Egypte des institutions, certes totalitaires et impopulaires, mais qui sont toujours capables d´instaurer un minimum d´autorité et de respect de l´ordre public. En Libye, la loi ce sont les groupes armés qui la font. Les milices islamistes qui ont fait le siège du ministère de l´Intérieur dans une totale liberté d´action et de mouvement. Des secteurs sous contrôle des groupes islamistes sont interdits d´accès à l´armée régulière. Le sanctuaire du terrorisme Mais il y a encore plus grave que cette configuration de petites poches autonomes du pouvoir central. C´est le sud du pays où l´absence d´Etat est encore plus évidente. C´est cette région qui ouvre l´accès au Sahel et au Maghreb que les salafistes radicaux ont choisie pour installer les bases qu´ils ont perdues dans le nord du Mali. Si à Benghazi, Tripoli ou Syrte, se pose un problème de sécurité locale, dans cette partie du sud du pays, l´absence d´autorité nationale donne à ce problème une dimension internationale. Un grand nombre de «djihadistes» fuyant le rouleau compresseur français dans le nord du Mali s´est replié dans le sud libyen. Ces «téméraires» combattants islamistes de l´islam n´ont pas livré la moindre résistance face à la progression des forces franco-africaines. Pourquoi ce repli discret et pourquoi précisément vers le sud de la Libye ? Malgré l´impressionnant matériel de guerre qu´ils avaient entre leurs mains, ni Aqmi, ni le Mujao, ni Ansar Dine ne sont, en fait, aptes à une guerre classique où le rôle de l´aviation militaire est toujours déterminant. Les armes les plus sophistiquées, achetées par les terroristes à des prix sacrifiés sur le marché libyen, avec l´argent des prises d´otages et du narcotrafic, leur ont permis de conquérir des espaces difficiles à gérer, en plus dans un environnement humain des plus hostiles à la cause qu´ils prétendent servir. L´intervention militaire française aura tout juste permis de les déloger partiellement de leurs fiefs maliens, pour un autre beaucoup plus familier, plus hospitalier et plus ouvert sur les foyers du «Printemps arabe» où les salafistes sont acteurs. Le sanctuaire libyen est bien connu des radicaux touaregs dont beaucoup ont combattu aux côtés des troupes de Khadafi ou ont rejoint les groupes terroristes qui activaient au Sahel. Grand avantage donc : les nouvelles autorités de Tripoli n´ont jamais pu exercer de contrôle sur le sud de la Libye où se fait le trafic d´armes à grande échelle, sont planifiées les prises d´otages, comme celle d´In Amenas en janvier dernier par Mokhtar Benmokhtar. Le «Borgne» a fait de mauvais calculs dans l´opération contre ce site pétrolier où il a laissé tous ses hommes face aux forces spéciales algériennes. «Mister Marlboro» a dû revoir à la baisse ses ambitions terroristes puisqu´il a opté depuis pour des cibles plus faciles. Par exemple au Niger avec les deux récents attentats-suicide d´Agadez et de la mine d´uranium d´Arlit ou pour des affrontements avec les forces de sécurité tunisiennes dans le mont Chaambi, près de la frontière avec l´Algérie sous stricte surveillance des forces spéciales. Les appels pressants de Niamey et Ndjamena La menace terroriste dirigée contre les intérêts de la France au Niger et surtout le Tchad, son allié principal dans les opérations du nord du Mali, peut donner l´occasion à l´Otan d´envisager une nouvelle intervention militaire en Libye. Ndjamena et Niamey multiplient les appels en ce sens, pendant que les autorités libyennes, peu favorables à une seconde guerre dans leur pays qui pourrait être la dernière avant sa disparition-partition, assurent sans convaincre qu´elles ont le contrôle de tout leur territoire. Le général Schulz, nouveau commandant en chef de l´OTAN pour l´Europe, assurait la semaine dernière au journal espagnol La Razón que l´alliance atlantique n´a pas encore de plan pour la Libye. Pas encore ! Toutefois, une équipe d´experts alliés est annoncée en Libye. Ces experts doivent procéder à une «évaluation» de la situation sécuritaire sur le terrain et de la demande des autorités nationales en matière d´assistance à la sécurisation des frontières du pays. Le rapport de cette mission donnera une meilleure idée sur les objectifs de l´Otan dans cette partie du Maghreb et de la forme que prendra une intervention militaire alliée dont le principe serait acquis, à en croire le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius. Lors de son séjour à Niamey, le chef de la diplomatie française avait avancé la possibilité de «faire quelque chose»pour le Tchad et le Niger. Entendre pour défendre les intérêts de la France dans la région.