L'Egypte retient son souffle depuis l'expiration, hier après-midi, de l'ultimatum lancé par l'armée aux parties en conflit (opposants et pro Morsi). L'armée avait menacé de recourir à une «feuille de route» au cas où la crise persisterait au terme de l'ultimatum. Le délai concerne aussi bien les opposants au président égyptien, qui réclament son départ, que le Président lui-même et ses partisans. Deux scénarios avaient été avancés pour les effets de l'ultimatum de l'armée égyptienne : le Président Mohamed Morsi démissionne ou ce dernier est écarté du pouvoir. A la veille de l'expiration de l'ultimatum, Mohamed Morsi a adressé un discours dans lequel il a clairement signifié qu'il n'a aucune intention de quitter le pouvoir et qu'il tient plus que tout à rester dans son poste de président de la République durant son mandat qui expire en 2016. Mohamed Morsi a fait valoir la «légitimité», ajoutant même, et de façon directe, qu'il est prêt à mourir pour rester président durant son mandat. Le président égyptien a également répondu à l'armée en disant qu'«il n'y a pas d'autre alternative que la légitimité». Autrement dit, il refuse toute solution qui l'écarte de son poste de président. Reste le deuxième scénario, celui de son remplacement. Le président Morsi, dont le discours a été rejeté par ses opposants rassemblés par dizaines de millions, tente, donc, d'imposer son maintien au pouvoir en tentant de dissuader l'armée de toute initiative qui l'écarterait de son poste. En prononçant ce discours, à la veille de l'expiration de l'ultimatum lancé par l'armée égyptienne, Morsi fait comprendre à l'armée qu'il n'accepterait pas une solution qui ne le consacrerait plus comme président d'Egypte. L'armée égyptienne, de son côté, a multiplié les rencontres avec différentes personnalités, quelques heures avant l'expiration de l'ultimatum. Des informations ont, d'autre part, fait état de certaines mesures qui pourraient être décidées dans le cadre de la «feuille de route» miroitée par l'armée, dont la constitution d'un gouvernement provisoire qui n'appartiendrait à aucun courant politique, la dissolution de la Constitution, la formation d'un conseil présidentiel, l'instauration de «tribunaux révolutionnaires» qui seraient chargés de «juger les personnes auteurs d'incitation à la violence» et l'organisation d'élections présidentielle et parlementaires. Pour rappel, douze ministres ont déjà déposé leur démission «en soutien à la revendication des manifestants» hostiles à Morsi. Le ministère américain des Affaires étrangères a annoncé, hier, que John Kerry a contacté son homologue Mohamed Kamel Amrou, lui signifiant qu'il est «nécessaire d'écouter les opinions du peuple», ajoutant que «la démocratie n'est pas seulement une affaire d'élections, mais garantit la possibilité à chacun de s'exprimer pacifiquement». Ce qui pourrait être interprété comme étant un «désaveu» au président Morsi qui, pour justifier son insistance à rester président pendant tout son mandat, a fait valoir la «légitimité» découlant du fait qu'il soit élu. Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a, lui, invité le président Morsi à «écouter son peuple», qualifiant ce qui se passe en Egypte de «préoccupant». Les aveux d'un «sniper» Sur le terrain, les affrontements se poursuivaient, hier, entre opposants et pro Morsi, allongeant la liste déjà trop longue des victimes. 16 manifestants sont décédés par balle. Le journal égyptien Al Ahram a rapporté, hier, ce qu'il a qualifié «d'aveux d'un sniper de l'association El Irchad», gérée par les Frères musulmans égyptiens auxquels appartient le président Morsi. Ce «sniper» est accusé, selon le journal, de l'assassinat de 8 personnes et d'avoir blessé 70 autres, parmi les manifestants hostiles à Morsi. Le journal égyptien a ajouté que ce «sniper» a révélé qu'il y avait au siège d'El Irchad 250 membres des Frères musulmans, «en grande majorité des snipers entraînés». Il a ajouté, selon Al Ahram, que 180 éléments armés des Frères musulmans d'Egypte ont été répartis sur plusieurs étages de la bâtisse servant de siège à Al Irchad, ayant pour instruction de «tirer sur toute personne s'approchant de cette bâtisse».