Au moment où les affrontements entre pro et anti-pouvoir continuent à faire des victimes, l'armée égyptienne envisage de miser sur l'exemple de l'Algérie pour sortir de la crise. Une présidence collégiale, sorte de Haut Comité d'Etat, serait sur le point d'être désignée pour diriger provisoirement le pays. Selon des sources crédibles, le comité aura pour tâche principale le rétablissement de l'ordre public et la préparation des futures élections. En pleine tourmente dans les années 1992, l'Algérie a réussi par le biais d'un Haut Comité d'Etat à sortir de la crise, évitant au pays de s'écrouler. C'est le même exemple que la majorité des partis politiques et des personnalités égyptiens ont suggéré aux forces armées afin de sauver le pays. Dans l'attente, le discours à la nation de Mohamed Morsi qui s'est tenu à une heure tardive de la nuit a été rejeté par l'opposition qui ne jure que par son départ. S'adressant au peuple via la télévision, Mohamed Morsi, de plus en plus isolé après la démission de six ministres, a refusé de s'effacer pacifiquement du pouvoir. Il a indiqué qu'il «continuerait à assumer la responsabilité du pays», présentant sa «légitimité» – un mot prononcé plusieurs dizaines de fois – comme «la seule garantie contre l'effusion de sang». Affirmant qu'il était prêt à «donner sa vie», il a martelé que le peuple l'avait «choisi lors d'élections libres et équitables». Dans son discours, Morsi a répondu indirectement à l'ultimatum de l'armée, indiquant que nul ne pourrait décider à la place du peuple qui l'a choisi d'être «président» et qu'il est prêt à verser son sang pour son pays. S'adressant à ses partisans, Morsi a fait savoir que nul ne pourrait toucher à la «légitimité» tant que le peuple veuille au grain. L'un des principaux chefs du parti des Frères musulmans a indiqué sur Al Jazeera que c'est à l'armée de partir et non à Mohamed Morsi, car selon lui, c'est le peuple qui l'a élu. En réaction au discours du président de la République, les chefs des partis de l'opposition ont indiqué que Morsi a parlé mais n'a pratiquement rien dit. Au moment où Mohamed Morsi tenait son discours, des milliers de manifestants qui organisent des sit-in dans plusieurs villes ont brandi des «cartons rouges» réclamant son départ. A quelques heures de l'expiration de l'ultimatum lancé par l'armée aux responsables politiques, la tension ne cesse de monter en Egypte. Dans la nuit de mardi à mercredi, 16 personnes ont péri dans une attaque contre un rassemblement de partisans du président Mohamed Morsi, près de l'université du Caire, selon le ministère de la Santé. Ailleurs dans la capitale, sept personnes ont été tuées lors de heurts entre pro et anti-Morsi dans le quartier de Guizeh (sud), selon des sources médicales. Des heurts ont également éclaté en périphérie du Caire et à Alexandrie et dans la ville de Kaliouba, au nord de la capitale. Les esprits se sont échauffés après le discours télévisé du président égyptien, fortement contesté dans la rue depuis une semaine. Appelant la population au calme et l'opposition au dialogue, il a affirmé que le pays devait encore panser les plaies laissées par l'ancien régime d'Hosni Moubarak. Il a aussi mis en garde contre le «piège» d'une violence «sans fin», alors que les violences ont déjà fait 47 morts en une semaine de manifestations. Trois heures plus tard, dans un communiqué intitulé «les dernières heures», le Conseil suprême des forces armées égyptiennes (CSFA) s'est dit prêt «à verser son sang» pour «défendre l'Egypte et son peuple des terroristes, des radicaux ou des fous et s'est dit prêt à imposer sa propre «feuille de route». En cas d'échec de son ultimatum, les militaires ont indiqué qu'ils établiraient eux-mêmes la «feuille de route» pour résoudre la crise, mais ont assuré qu'ils ne voulaient pas préparer un «coup». Selon des sources généralement bien informées, un comité d'Etat sera désigné par l'armée pour diriger provisoirement le pays et qui aura également pour tâche de préparer les futurs élections. Au moment où nous mettons sous presse, plusieurs partis politiques et des hautes personnalités de l'Etat ont été conviés à une réunion urgente au niveau du commandement des forces armées. Il est fort probable que Mohamed Morsi passe ses dernières heures au palais présidentiel et qu'il soit incessamment écarté. Nous y reviendrons.