Même enterrée, Lehman Brothers n'en finit pas de provoquer des effets collatéraux. La banque d'affaires US par qui la crise financière s'est accélérée a plongé le monde dans un climat aux allures de 1929. Au point de donner des cauchemars au renseignement américain. Une fois n'est pas coutume, ce n'est pas le terrorisme qui constitue la première source de menace aux yeux de l'«Intelligence Community», mais les désordres économiques. Cette nouvelle classification dans l'ordre des menaces a été présentée jeudi par le nouveau directeur du renseignement US. Fraîchement nommé par la nouvelle Administration démocrate, Dennis Blair s'exprimait devant le Congres à l'occasion de la remise du rapport des services de renseignements sur la sécurité des Etats-Unis. Exercice annuel, le rapport énumère, en les détaillant, les risques qui pèsent sur les intérêts des Etats-Unis et leurs alliés à travers le monde. Alors que le débat sécuritaire occidental reste plus que jamais dominé par la question du terrorisme et des conflits au Proche-Orient et en Afghanistan, le numéro «un» du renseignement américain s'est livré à un inventaire revu et corrigé de l'ordre des menaces. Si le terrorisme islamiste continue de préoccuper analystes et opérationnels de la CIA, il n'est plus le premier de la liste. Désormais — et jusqu'à nouvel ordre — c'est la crise économique qui se profile au premier rang des périls potentiels. «La première menace à court terme est la crise économique mondiale et ses implications géopolitiques (…). La crise financière et la récession mondiale sont susceptibles d'entraîner au cours des prochaines années une vague de crises économiques dans les pays aux marchés émergents.» C'est la première fois depuis l'embargo pétrolier du début des années 1970 que le renseignement US érige l'économie en préoccupation majeure. «Le temps est notre plus grande menace, redoute Dennis Blair. Plus il faudra de temps pour que s'amorce la reprise, plus les intérêts stratégiques des Etats-Unis sont susceptibles de subir de graves dommages.» L'irruption du syndrome de la récession dans l'esprit des analystes de la CIA ne réduit pas pour autant l'acuité du risque terrorisme «djihadiste». Bien que soumise à des offensives répétées en 2008, Al Qaïda demeure, avec ses filières régionales, «une mouvance dangereuse» et un «ennemi à même de s'adapter» aux attaques. Comme l'attestent nombre de ses opérations récentes, l'organisation de Oussama Ben Laden pourrait mener des attentats sur les territoires américains et européens, met en garde le renseignement US. Les agents américains pointent à grands traits la dangerosité du mouvement Al Qaïda au Maghreb islamique. L'«AQIM», comme le désigne le rapport annuel, constitue «le groupe terroriste le plus actif et le plus menaçant pour les intérêts américains et occidentaux en Afrique du Nord». Les experts de la CIA et des autres services américains estiment que l'ex-GSPC poursuivra en 2009 son action djihadiste, histoire de montrer qu'il jouit de capacités de frappe contre les objectifs nationaux et les intérêts occidentaux en Afrique du Nord et dans la région du Sahel.