La création d'une institution de la fetwa (dar el ifta'a) en Algérie est indispensable à la lumière de la prolifération des chaînes de télévision satellitaires et des nouvelles technologies de l'information et de la communication, estime la Coordination des imams. Le secrétaire général de cette coordination, cheikh Djelloul Hedjimi, imam de la mosquée Cheikh El Fodhil El Ouartilani (Alger), a indiqué qu'une institution officielle de la fetwa contribuera à donner une vision uniforme à la fetwa sur diverses questions religieuses qui intéressent le citoyen sur la base du rite malékite qui constitue le référent religieux national. Il explique que l'influence de ces fetwas sur certains citoyens est motivée par l'absence d'institution officielle composée de compétences et cadres chargés de promulguer un décret (avis) religieux, alors qu'il existe des savants connus pour leur méthodologie et leur discernement. La création du poste de «mufti de la République» s'avère des plus impératives afin que l'Algérien comprenne que son pays protège l'Islam et qu'il existe un référent religieux auquel il aura recours en cas de besoin, a insisté cheikh Djelloul, mettant en garde contre les organes audiovisuels qu'il faut consulter avec une «extrême prudence». Il a exclu le fait que toute fetwa venant de l'étranger soit fausse ou erronée. Cependant, il a tenu à préciser qu'une fetwa peut être juste dans un pays et erronée dans un autre en raison de la présence de référents religieux différents ou de traditions qu'il faut respecter, la fetwa n'étant pas contraire en apparence à la chari'a. Mise en garde contre «les fetwas étrangères» En ce sens, le bureau des fetwas au ministère des Affaires religieuses et des Wakfs a mis en garde les citoyens contre les fetwas promulguées par des uléma et imams étrangers car pouvant «altérer» l'intérêt suprême du pays et son intégrité religieuse. Ce bureau a indiqué par la voix de Djelloul Guessoul, imam de la mosquée Al Qods à Hydra (Alger), qu'il y a des citoyens qui se renseignent, notamment durant le mois de Ramadhan, auprès d'uléma d'autres pays arabes comme l'Arabie saoudite et l'Egypte «sans tenir compte du fait que la fetwa diffère selon l'espace, le temps et la personne qui la promulgue». Il a été précisé aussi que cette mise en garde «n'est pas une interdiction catégorique de contacter ces uléma mais plutôt un rappel sur l'impératif de connaître leurs tendances». Il a précisé que «l'Islam est le même dans tous les pays musulmans, mais la fetwa diffère selon l'espace, le temps et suivant l'évolution de la société», ajoutant qu'une fetwa promulguée en 1962 par exemple n'est plus celle de nos jours car le citoyen d'aujourd'hui n'est pas non plus celui d'autrefois. Il s'est dit par ailleurs satisfait du classement de l'Algérie en matière de récitation du Coran, ajoutant que l'Algérie dispose de 14 000 mosquées, dotées chacune de 5 à 10 récitants. L'usage de la fetwa selon les rites religieux des pays du Machreq ou émanant de courants islamistes «souvent extrémistes», est considéré par l'anthropologue des religions, Zaïm Khenchelaoui, comme un «phénomène sectaire» à contrecarrer. Les conséquences de ce genre de fetwas sont de l'avis de ce chercheur «mortelles» car «elles ont tendance à prêcher la mort au lieu de prêcher la vie», estime-t-il. Il a ajouté que l'utilisation de la fetwa à des fins politiques est destinée par certains à «déstabiliser les musulmans et semer le doute et le désespoir parmi eux», soulignant que «la communauté de l'Islam baigne désormais dans un océan de larmes et de sang, à cause de ce genre de fetwas». Devoir du mufti à prendre en compte dans sa fetwa les us et coutumes Le mufti devrait prendre en compte dans sa fetwa les us et coutumes du pays concerné afin d'éviter toute discorde pouvant mener à une dislocation sociale, a estimé le président de la Commission d'el Iftaa au Haut-Conseil islamique (HCI), cheikh Mohamed Chérif Kaher. Chaque pays compte des uléma et des muftis habilités à émettre une fetwa, car ils sont les mieux au fait des us et coutumes, notamment en ce qui concerne les questions non traitées dans le Saint Coran et la Sunna et sur lesquelles les avis des érudits divergent, a indiqué cheikh Kaher. «Le mufti doit tenir compte des us et coutumes de ses concitoyens avant d'émettre un jugement proche et conforme à celui d'Allah. Mais, il est inadmissible que les uléma du Machreq émettent des fetwas pour les Maghrébins et vice versa», a-t-il estimé, insistant sur le fait que chaque région doit se référer à ses uléma.