A la veille de son départ pour Rabat où il avait effectué une visite officielle de quatre jours (du 15 au 18 juillet), le roi Juan Carlos avait été sollicité par les organisations humanitaires et des droits de l´homme pour intercéder auprès de Mohammed VI en faveur des prisonniers politiques sahraouis dont les 24 indépendantistes condamnés dans l' «affaire Gdeim Izik». Traduits devant le tribunal militaire de Rabat, ces indépendantistes ont été condamnés, cette année, à de lourdes peines de prison sous l´accusation d´assassinat de 11 policiers et gendarmes au moment de la prise d´assaut brutale du camp de protestation pacifique du camp de toile, situé à Gdeim Izik aux abords d´Al Ayoune, en novembre 2010. La sentence, 30 ans de prison, a choqué en Espagne et au Parlement européen où à ce jour, les parlementaires et les organisations civiles dénoncent ce verdict injuste prononcé par cette cour d´exception et réclament la libération immédiate des condamnés. Saisi d´une pétition signée par les associations de soutien à la cause sahraouie, le roi d´Espagne aurait touché un mot au souverain alaouite. La démarche des ONG s´appuie aussi sur des arguments juridiques. Les prisonniers politiques sont espagnols par filiation car le Sahara occidental était une province de l´Espagne avant d´être cédé illégalement en 1995 au Maroc à la faveur des «accords secrets de Madrid» et, du point de vue du droit international, le royaume alaouite n´a aucun titre de souveraineté sur l´ancienne colonie espagnole. Indulgence pour un pédophile… espion espagnol Il n´était pas surprenant qu´à l´occasion de la Fête du Trône qui vient d´être célébrée au Maroc, aucun prisonnier politique sahraoui ne figure sur la liste des bénéficiaires des actes de clémence du roi Mohammed VI. Ce qui a choqué, par contre, et provoqué des soulèvements populaires ce week-end dans les villes marocaines, c´est la liste des 48 délinquants espagnols remis en liberté. La plupart ont été condamnés pour trafic de drogue. Voilà ce que dit le communiqué officiel du palais royal qui passe sous silence la mesure de clémence prononcée en faveur de prisonniers non méritants. Parmi eux un officier irakien, un pédéraste coupable de voies de faits sur une douzaine d´enfants, âgés de 3 à 15 ans, qui s´est avéré être… un espion espagnol. Ce scandale a fait la «une» de la presse à grand tirage en Espagne. El País affirme que ce prisonnier hors du commun condamné à 30 ans de prison a été rajouté sur la liste que le roi Juan Carlos devait fournir au roi Mohammed VI par le CNI (centre National d´Investigation), les services secrets espagnols. Même l´authenticité de l´identité de cet espion qui répond au nom de Daniel Galván Viño n´est pas établie. Son avocat affirme que cet individu avait été recruté par le CNI avec pour mission de collaborer à la destitution de l´ex-président irakien feu Saddam Hussein par la coalition internationale dont faisait partie l´Espagne en 2003, sous la bannière de G. Bush. Par la suite, un autre nom lui aurait été donné par le CNI pour être affecté au Maroc où il se présentait sous la noble fonction de professeur d´espagnol, ce qui mettait à l´aise les familles de ses victimes. Mustapha Rami :«Les intérêts du Maroc priment !» A la suite des marches et rassemblements des manifestants devant les administrations publiques marocaines et les consulats d´Espagne au Maroc, le ministre marocain de la Justice, l´islamiste radical Mustapha Rami, a justifié les mesures de clémence prononcées par le roi Mohammed VI par les «les intérêts du pays comme cela se fait ailleurs». Pas un mot, en revanche, dans ce mouvement de masse sur les prisonniers sahraouis qui clament leur innocence pour les faits qui les ont conduits à la prison de Salé. «Nous avons été condamnés pour des actes que nous n´avons pas commis parce que nous sommes pour le Front Polisario, pour l´indépendance du Sahara !» soutiennent-ils aux organisations civiles qui ont pu les contacter. Pour eux, il n´est pas question de «clémence» royale.