Le roi Mohammed VI a assuré, dans un communiqué publié samedi à minuit par le palais royal, qu´il ignorait la nature des crimes commis par l'Espagnol Daniel Calvan Viña qu´il venait de gracier deux jours auparavant à l'occasion de la fête du Trône. C´est le premier aveu d´erreur que le monarque ait jamais reconnu devant son peuple. Et pour cause, les affrontements entre les manifestants indignés risquent d´avoir un coût politique élevé. Au moins une soixantaine de blessés ont été admis hier dans le seul hôpital de Rabat. Pour calmer les protestations des citoyens choqués par la mesure de clémence royale en faveur de ce pédéraste condamné à 30 ans pour abus sexuel sur une douzaine d´enfants âgés de 3 à 15 ans à Kenitra, et qui n´en aura purgé que deux, le monarque a, en outre, ordonné l´ouverture d´une enquête pour que soient identifiés les responsables soupçonnés d´être derrière la proposition d´indulgence qui lui a été soumise. Les premières cibles pourraient bien être quelques têtes des services de la DST marocaine (services secrets). Car Calvan Viña, dont l´identité douteuse est en cours de vérification à Madrid, serait un Irakien, agent secret des services secrets espagnols (CNI). Durant l´invasion de l'Irak, il aurait été affecté au sein de l´équipe d´espions opérationnelle chargée d´éliminer l´ex-président Saddam Hussein. Il n´est pas exclu donc que les responsables du CNI espagnol aient pu approcher directement leurs collègues de la DST marocaine pour appuyer l´élargissement de leur agent secret qui était en mission au Maroc sous la couverture de professeur d´espagnol. Le CNI aurait manipulé la liste de la cinquantaine de bénéficiaires de la grâce royale qui devait être soumise au souverain alaouite par le roi Juan Carlos en personne. Dans leur grande majorité, ces prisonniers étaient incarcérés au Maroc pour trafic de drogue. Le roi Juan Carlos avait donc intercédé en leur faveur auprès de Mohamed VI lors de la visite d´Etat du 15 au 18 juillet à Rabat. Dès son retour à Madrid, il prit connaissance de ces mesures de clémence, et remercia au téléphone Mohamed VI de son «noble geste», sauf qu´il ignorait que la liste qu´il avait remise en mains propres au souverain alaouite, préparée par le ministre de la Justice, Alberto Ruiz Gallardon, portait aussi la griffe du CNI. Viña «sorti» par Ceuta ! Lorsque la nouvelle de la clémence royale avait été annoncée, tous les prisonniers espagnols n´avaient pas encore quitté leur cellule. Pour certains d´entre eux, ils devaient d´abord s´acquitter de l´amende dont ils étaient redevables envers leurs victimes, l´Etat ou la société marocaine. Avant même que les Marocains ne réalisent le coup fourré et sortent manifester leur colère, Viña, lui, avait déjà franchi la frontière par Ceuta depuis 48 heures, sûrement avec la complicité des agents de la DST marocaine. Le feu ayant pris, le palais royal marocain tente de sauver les meubles. Rabat envisage de demander aux autorités espagnoles que Viña accomplisse dans une prison espagnole les 28 ans de prison qui lui restent. Or, l´Espagne est un Etat de droit qui ne cède pas aux arrangements politiques entre les gouvernements et encore moins entre les services, s´agissant à plus forte raison d´une affaire judiciaire qui faisait encore hier la une de la presse à grand tirage. Rabat souhaite que Viña soit maintenu en détention dans son pays, juste le temps que les choses se calment dans le royaume alaouite où, hier, un groupe d´avocats s´est constitué partie civile pour déposer une plainte contre l´Espagne. Le coût politique pour le malik Il faut aussi compter avec les organisations civiles espagnoles et les puissantes ONG des droits des enfants qui ont décidé de prendre le relais des protestations des familles marocaines traumatisées par l´acte de clémence prononcé par leur malik. Cette affaire risque en tout cas de causer un grave préjudice à la monarchie marocaine absolue dont beaucoup de citoyens demandent qu´elle soit réformée comme en Espagne où le roi règne mais ne gouverne pas, pour limiter les pouvoirs du roi. Décidément, Mohammed VI n´avait pas besoin de ces troubles populaires à l´heure de l´instabilité dans les pays du dit «printemps arabe».