Pour avoir voulu défendre l'environnement en introduisant des actions en justice pour s'opposer à des projets de construction au niveau de la forêt de Canastel délivrés à des particuliers par l'APC d'Oran, deux associations ont été suspendues pour six mois par le wali d'Oran… pour «ingérence dans les affaires intérieures du pays». La LADDH dénonce. «Le monde associatif de la ville d'Oran est en train de vivre à ses dépens tout le contenu liberticide de la nouvelle loi sur les associations», tient d'abord à faire remarquer la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH) avant d'expliquer «la genèse» de l'affaire. En effet, précise la Laddh, «suite à la réaction saine d'associations, l'association des résidents de Canastel dépendant de la commune d'Oran et l'association El Bahia de la commune de Bir El Djir qui ont eu à cœur de défendre l'environnement (…) ont subi l'article 39 de la nouvelle loi sur les associations qui stipule que «l'association peut faire l'objet d'une suspension d'activité ou d'une dissolution en cas d'ingérence dans les affaires internes du pays ou d'atteinte à la souveraineté nationale». Pour la Laddh, «il est évident que des associations algériennes ne peuvent s'occuper que d'affaires internes du pays et que cet article est là pour punir les 'mauvaises associations'». Selon les explications de la Ligue, le wali d'Oran a décidé au cours d'une même journée de suspendre deux associations. La première parce qu'elle avait réussi, selon la Laddh, à bloquer le détournement de terrains appartenant au domaine forestier de Canastel (El Menzah) par décision judiciaire en référé (arrêt des travaux), et la deuxième parce qu'elle avait pu devant la justice (référé et sur le fond) empêcher qu'un terrain destiné à la création d'un marché couvert soit détourné de la même façon. «Ces décisions de suspension d'associations ont été faites pour permettre justement de bloquer leurs activités et permettre ainsi aux bénéficiaires des détournements de remettre en cause les deux décisions de justice en remettant en cause la qualité du plaignant», dénonce la Ligue, qui relève que même la loi sur les associations n'a pas été respectée dans cette prise de décision puisque cette dernière «stipule qu'il fallait d'abord mettre en demeure l'association et lui laisser un délai de trois mois avant de prendre la décision de suspension». La ligue ajoute, ironique : «Mais à la guerre comme à la guerre, il fallait donner aux bénéficiaires un document leur permettant de faire revenir la justice sur ces décisions quitte à prendre ses aises avec l'application de la règlementation. La décision de suspension de l'association ARC s'est même trouvée comme par enchantement entre les mains des bénéficiaires du détournement des terrains avant même que les principaux intéressés ne soient au courant. Le bureau de la Laddh d'Oran dénonce ainsi «cette forfaiture et demande l'annulation de ces deux suspensions». Une commission d'enquête avec la participation des représentants des associations visées doit être, selon la LADDH, «diligentée par le ministère de l'Intérieur pour clarifier comment un wali appuyait la plainte de l'association ARC devant la justice le 1er juillet, puis change de cap pour laisser ce détournement se faire en suspendant les associations le 14 juillet, et quels sont les arguments et les raisons de ce revirement et de ce déni de la réglementation». En effet, pour le cas de l'ARC (association des résidents de canastel), c'est le fait que le wali ait approuvé le 6 novembre 2012 un plan d'occupation du sol (POS) qui l'a fait réagir car contraire, estime-t-elle, à la délibération de la wilaya d'Oran datant de 2006 en faveur de la préservation de la forêt de Canastel ainsi que de la frange maritime et la décision du wali qui ordonne la protection permanente et l'interdiction de toutes constructions sur le site de la même forêt. L'affaire est ainsi portée devant les tribunaux et la justice ordonna l'arrêt immédiat des travaux. Dans le dossier, le wali d'Oran plaide la légitimité de l'action d'ARC mais change d'avis au dernier moment en prenant la décision de geler pour 6 mois les activités des deux associations. A-t-il subi des pressions, obéit-il aux ordres de la maffia du foncier ?, s'interrogent aujourd'hui les oranais.