Le peuple tunisien a fêté l'Aïd dans une atmosphère «tendue», suite aux dernières manifestations, appelant à dissoudre le gouvernement d'Ennahda. Face à la menace terroriste au mont Chaâmbi, aux frontières avec l'Algérie, et l'effervescence de la rue en faveur de l'opposition, le gouvernement de Guannouchi lutte, aujourd'hui, sur deux fronts. Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté, mardi soir, dans le centre de Tunis pour réclamer le départ du gouvernement islamiste d'Ennahda ainsi que la dissolution de l'Assemblée constituante qui a pratiquement, terminé de rédiger le projet de Constitution et la nouvelle loi électorale. Deux semaines après l'assassinat de Mohamed Brahmi et six mois après le meurtre de Chokri Belaïd, c'est la manifestation d'opposition la plus importante depuis le début de la «crise politique». Suite à cette mobilisation, le président de l'Assemblée nationale constituante (ANC) Mustapha Ben Jaâfar a annoncé la suspension des travaux de la chambre mardi soir. Il avait expliqué que «l'Assemblée ne se réunirait plus tant qu'il n'y aurait pas l'ouverture d'un dialogue entre le gouvernement et l'opposition». Il a voulu par cette mesure, mettre la pression sur les deux parties, et les forcer au dialogue. «J'appelle tout le monde à participer au dialogue. Les Tunisiens en ont marre», a-t-il déclaré au cours d'une allocution télévisée. Revenant sur la menace «terroriste» et les deux assassinats politiques qu'ont connus les Tunisiens cette année, Ben Jaafar avait dénoncé l'incapacité de la classe politique à s'unifier face au danger, les voyant emprunter la voie «de la division et de la sédition». La coalition d'opposition, qui va de l'extrême gauche au centre-droit, a jugé cette initiative «positive» mais «insuffisante». Réaction du gouvernement Le Chef du gouvernement tunisien Ali Larayedh n'a réagi que jeudi à la dissolution de l'ANC. Par le biais d'un communiqué à l'occasion de la célébration de la fête de l'Aïd, Larayedh a promis que son cabinet ferait tous les efforts pour résoudre par le dialogue la crise politique déclenchée par l'assassinat de l'opposant Mohamed Brahmi le 25 juillet. «Le dialogue est le meilleur moyen de surmonter les difficultés», a-t-il souligné. «Le dialogue est le meilleur moyen de surmonter les difficultés et de résoudre les problèmes existants», a indiqué M. Larayedh. «Le gouvernement ne ménagera aucun effort pour soutenir le processus de dialogue», a-t-il encore dit. De son côté, le parti Ennahda au pouvoir a accepté, mercredi, la suspension des travaux de l'ANC et a également, appelé à un dialogue avec ses adversaires pour aboutir à «un gouvernement d'union» et sortir le pays de la crise. «En dépit de nos réserves formelles et juridiques sur cette initiative (de suspendre la Constituante), nous espérons qu'elle servira de catalyseur pour que les adversaires politiques s'assoient à la table du dialogue», a annoncé Ennahda dans un communiqué signé de son chef Rached Ghannouchi. Le parti a souhaité une «solution consensuelle en cette période sensible en raison des dangers sécuritaires et des défis économiques énormes». Il s'est dit notamment, favorable «à la formation d'un gouvernement d'union nationale comprenant toutes les forces politiques convaincues de la nécessité d'achever le processus démocratique dans le cadre de la loi». D'autre part, Ennahda n'a pas manqué de réitérer son attachement à «la préservation de l'ANC», qui constitue la source de la «légitimité du pouvoir et la base du régime démocratique issu des élections du 23 octobre 2011». Le parti fixe aussi un calendrier de reprise des travaux de l'Assemblée nationale constituante (ANC), souhaitant que l'adoption de la Constitution et de la loi électorale se fassent «avant fin septembre 2013», et réclame «l'organisation d'élections avant la fin de l'année». Par ailleurs, notons que différents partis d'opposition réclament la démission du cabinet dirigé par le parti au pouvoir Ennahda et la mise en place d'un gouvernement de salut national formé par des personnalités indépendantes, ainsi que la dissolution de la Constituante.