C'est la grogne parmi les douaniers depuis l'entrée en vigueur d'un nouveau mode d'entrée dans l'enceinte portuaire. Evoquer une «guerre police-douanes», comme cela a été rapporté par certains confrères, c'est aller un peu vite en besogne. De quoi s'agit-il? Tout le monde l'admet, les ports du pays et particulièrement celui d'Alger ont grandement besoin d'une sérieuse remise en ordre. Tant sur le plan organisationnel que sécuritaire. C'est là qu'arrivent les milliers de tonnes de marchandises qui sont ensuite écoulées sur le marché algérien. C'est de là aussi, qu'une autre partie, plus infime il est vrai, part vers l'étranger. Mais c'est aussi dans cet espace que le mot «business» prend sa signification la plus péjorative. Une faune bigarrée est prête à tout pour s'en mettre plein les poches. Les milliers de containers que déchargent quotidiennement les navires venus de tous les coins du monde sont d'un attrait si irrésistible pour les trafiquants en tous genres que ceux-ci ne reculent devant aucun moyen pour arriver à leurs fins. Dans leur recherche de l'indispensable complicité, sans laquelle ils ne peuvent pas grand-chose, la corruption est le moyen dont ils usent et abusent. Le mal est tellement répandu qu'il est devenu un secret de Polichinelle. Face à ce fléau, les douaniers s'organisent. Leurs dernières grosses prises de whisky et de camions en «kit» frauduleusement importés témoignent de leurs efforts. Il n'en demeure pas moins que la répression seule ne pourra pas venir à bout du phénomène. La prévention doit être également de mise. C'est pourquoi le législateur a pensé à mettre en place un «comité de sûreté portuaire d'Alger». Par décret exécutif (94-340 du 25/10/94 modifié par celui portant n° 95-192 du 10/7/95) la composition et le rôle de ce comité ont été définis. Regroupant l'entreprise portuaire (Epal), les gardes-côtes, la Dgsn, les Douanes, la Protection Civile, les Travaux publics, la Cnan et l'Enmtv, cette structure a, entre autres missions, celle «d'établir et mettre à jour la circulation et les déplacements dans les enceintes portuaires». Le 15 décembre dernier les représentants de toutes ces institutions (douane comprise) et après plusieurs séances de travail ont décidé que soit mis en place un nouveau mode d'accès dans l'enceinte à partir du 15 janvier 2003. Avec notamment le port du badge et la fin de la circulation incontrôlée des voitures particulières. Si le badge a été conçu dans une formule de «zoning» où des périmètres ont été prédécoupés, le comité a décidé de fixer le nombre de véhicules personnels autorisés pour chaque organisme opérant dans le port. A charge pour chacun de ces organismes d'établir la liste des véhicules de leur personnel autorisé dans la limite du nombre imparti. C'est ce qu'ont fait toutes les institutions existantes dans le port d'Alger (y compris les douanes). Les services de police chargés par le comité de la mise en oeuvre des nouvelles dispositions ont été destinataires de toutes les listes ainsi établies. Mercredi dernier, jour du lancement de l'opération et alors que près de 8000 travailleurs, toutes structures confondues, y compris les tran-sitaires, étaient concernés, les douaniers, exerçant au port et contre toute attente, ont opposé leur «niet» et ont menacé de faire grève. Non pas pour les badges, mais pour accéder avec leurs véhicules personnels sans limitation de nombre. Ceci malgré les facilités prévues par le comité de sûreté portuaire pour leur réserver des places dans les parkings (Bounetta et Béziers), en accord avec la direction générale de l'Egctu qui les gère. A noter que ces deux parkings à étages sont situés à l'entrée du port. Devant le refus catégorique des douaniers en poste au port (malgré leur représentativité au comité), d'accepter les nouvelles dispositions et éviter des troubles, la police a décidé de saisir le comité. Celui-ci doit se réunir cette semaine pour examiner la situation et prendre les mesures qui s'imposent. Parmi elles figurerait, en plus des parkings, la mise en place de «navettes» par l'Entreprise portuaire (Epal) par l'acquisition de bus. Comme ceux qui circulent sur la piste de l'aéroport. Comme on le voit, on est loin d'une «guerre police-douane» mais d'une simple «allergie» au changement pourtant dicté par la loi. L'intérêt économique et sécuritaire du pays exige une «désensibilisation» au plus vite. Viendra-t-elle?