Benflis séducteur? Eh bien oui, et son exercice dans ce domaine particulier dure depuis jeudi dernier face aux responsables politiques. Dire que la presse française lui a réservé un bon accueil, ce serait une autre manière de rappeler que son voyage était attendu pour au moins deux raisons. La première et c'est sur quoi vont graviter toutes les discussions: c'est l'ouverture des relations algéro-françaises sur un partenariat dont certains exemples pratiques de coopération sont déjà en cours. Quoiqu'on ait dit qu'il était «un homme effacé», Ali Benflis va contribuer à donner davantage de résonance à sa méthode, en commençant par éviter d'être ésotérique. La simplicité devenant chez lui un vecteur par lequel, en quelques heures, il est parvenu à décontracter l'atmosphère. Sa méthode, nous l'avons dit, ce sont la simplicité de son langage et la solidité de son argumentaire concernant le fait que les problèmes de sécurité en Algérie n'ont pas cessé de régresser au point qu'ils n'inquiètent plus que les personnes vivant éloignées des agglomérations. Vu sous l'angle économique, le risque-Algérie ne devrait plus inquiéter personne, une affirmation que le ministre délégué au Commerce, M.Loos, a confirmée devant nous au sortir du séminaire auquel a été convié M.Ali Benflis. Les liens, qui unissent l'Algérie à la France, aujourd'hui, sont des liens scellés au «cours d'une histoire commune où se sont mêlés les larmes, la douleur, mais également la fraternité et l'espoir». Quant à l'Algérie, dont il était venu présenter les nouveaux contours aux Français, elle est née, dit-il en s'adressant aux participants du séminaire du Centre français du commerce extérieur, dans la douleur et la souffrance qui sont, très souvent, le corollaire des grandes réalisations des peuples. Pour encourager les investisseurs à se tourner nombreux vers l'Algérie, le Chef du gouvernement dut se prêter à un autre exercice de style en délivrant des chiffres, comme par exemple celui concernant les réserves de change qui s'élèvent à 22 milliards de dollars, ajoutant que l'inflation est maîtrisée en précisant que le taux de croissance a dépassé les 3% en l'an 2002. L'atmosphère dans laquelle a baigné la délégation algérienne depuis son arrivée, de mémoire de diplomate algérien à Paris, n'a jamais atteint un tel degré de chaleur. C'est vrai qu'avec ses 30 millions de consommateurs, l'Algérie, dont la croissance est appelée à encore augmenter durant les années à venir, dispose de moyens très séduisants, encore faut-il que ses citoyens se mettent au travail. Cette dernière remarque est sans doute pertinente, mais elle l'est encore davantage quand ce sont des observateurs français qui, tout en déplorant ce qui s'est passé en Algérie depuis le commencement du fléau islamiste, reconnaissent, en revanche, aujourd'hui, que certains médias se sont trompés en lançant, il y a quelques années, le slogan pernicieux du «Qui tue qui?» et dont, malheureusement, certains courants en Algérie, hostiles viscéralement au pouvoir, ont usé et abusé pendant des mois. Comme un professeur de géographie attentif au regard scrutateur de ses élèves, Ali Benflis profitera de son discours pour donner un cours magistral sur l'Algérie. Rien, aucun secteur n'a été épargné. Géographie physique, tourisme, même les pèlerinages religieux, rien n'a été exclu dans la recension méthodique qu'il en a faite. Après la géographie physique et ses différents reliefs, il s'attaqua aux réformes et aux exemples les plus saillants du partenariat en citant Sider dans lequel la partie algérienne ne détient que 30% des parts, alors que l'entreprise indienne LNM détient 70% du capital. Et d'enclencher sur le fait selon lequel de «nombreuses entreprises publiques économiques, comme Air Algérie et la Cnan, souhaiteraient ouvrir leur capital» aux partenaires étrangers. Sitôt dite, cette précision du Chef du gouvernement n'a pas manqué de soulever des interrogations à propos de certains secteurs spécifiques, comme celui des hydrocarbures auquel une longue campagne de presse a été consacrée en Algérie pour savoir s'il était vrai qu'une nouvelle loi le gérerait dorénavant. La réponse de Ali Benflis sur cette question sera tout aussi simple que ferme. Non seulement il n'y a pas de nouvelle loi en perspective, mais la législation en vigueur dans le domaine des hydrocarbures continuera de fonctionner selon la loi de 1991. On est en droit, peut-être, d'imputer aux autorités algériennes une certaine lenteur d'application des réformes, dira Ali Benflis aux hommes d'affaires, mais on doit également leur reconnaître le souci d'accomplir ces mêmes réformes dans le cadre de la concertation permanente avec leurs partenaires économiques et sociaux. Après le séminaire du commerce extérieur, le Chef du gouvernement a été accueilli à l'Hôtel Matignon pour s'entretenir avec Jean-Pierre Raffarin et devait y faire une déclaration. On sentait qu'il s'agissait d'un moment fort de sa visite. Le second moment fort devait pourtant avoir lieu vers 16h30, après que M.Benflis eut été reçu par le président Jacques Chirac pour faire le point des discussions en cours, animées par les quatre ministres qui ont accompagné le Chef du gouvernement à Paris. Rappelons qu'au début de mars prochain, le président français se rendra en visite d'Etat en Algérie et que Ali Benflis l'a rencontré pour porter la dernière touche à sa préparation. Qui a dit que la gestion du temps «ne doit jamais rimer avec précipitation?» Sûrement lui!