Le groupe dit des réconciliateurs, qui a le vent en poupe, a déjà entrepris une série de rencontres dans le but de présenter un candidat unique. «Ce n'est pas à l'armée de faire les présidents. L'année prochaine, l'institution militaire reconnaîtra le président élu, même s'il est issu du courant islamiste.» C'est en ces termes, on ne peut plus clairs, que le chef d'état-major, Mohamed Lamari, a confirmé que l'ANP n'interférera d'aucune manière dans la présidentielle de 2004 dans l'entretien accordé au journal français Le Point. Le danger intégriste est laissé loin derrière même si le terrorisme n'est pas encore vaincu. La République n'est plus en danger. Les conjonctures actuelles ne sont guère celles de 95, et encore moins celles de 92. Le retrait de l'institution militaire est d'autant plus effectif, comme le souligne Mohamed Lamari, que même si le futur élu est d'obédience islamiste, l'ANP ne s'y opposera pas. Les jalons et les garde-fous de la République et de la démocratie sont désormais mis en place. Plus aucune force ne saurait les ébranler. Cette sortie, il faut le croire, tend à étayer une information déjà donnée par notre journal, il y a de cela un peu plus d'un mois. Le groupe dit des réconciliateurs, en effet, aurait initié une série de rencontres en vue de dégager un candidat unique. Cette mouvance, qui a le vent en poupe depuis la déconfiture quasi consommée du camp dit des «démocrates républicains», semble être actuellement la seule force politique qui soit capable de rivaliser avec le Président Bouteflika. Ce dernier, qui a à faire valoir un bilan extrêmement positif et qui jouit du soutien du tout-puissant FLN conduit par Ali Benflis, sera un adversaire difficile à battre. Le camp des réconciliateurs, dans lequel figurent des ténors comme Ahmed Taleb Ibrahimi, Mouloud Hamrouche, Hocine Aït Ahmed et, peut-être, Saâd Abdallah Djaballah, n'ignore pas que s'il va au scrutin de 2004, il risque fort de tout perdre, chemin faisant. De plus en plus de probabilités, donc, font pencher la balance du côté du «candidat du consensus». Ahmed Taleb Ibrahimi jouit d'une grande crédibilité au sein de ce groupe et a une base militante très importante, comme prouvé lors de la présidentielle de 99 et, plus tard, à l'occasion de la création de son parti, le mouvement Wafa, que le pouvoir avait refusé, sous prétexte qu'il serait une sorte de «réincarnation» du FIS dissous. Ahmed Taleb Ibrahimi, sans être islamiste lui-même, jouit d'un très grand crédit au sein de cette mouvance, tant pour ses diverses positions que pour sa lignée et son éducation. Il incarne, comme le précise le programme de son parti, le courant nationaliste et islamiste, composant l'écrasante majorité de la société algérienne. Il semble être le seul à pouvoir rivaliser avec le Président Bouteflika. Les accusations du ministre de l'Intérieur, qu'il a été incapable d'étayer par une quelconque preuve, deviennent malgré tout caduques puisque le chef d'état-major lui-même signale ne pas craindre, ou ne pas s'opposer, à un candidat, ni même à un président islamiste. Dans tous les cas de figure, il est probable que nous allons assister en 2004 à une présidentielle passionnante où le suspense sera au rendez-vous. En l'absence du sempiternel «candidat du pouvoir», l'ensemble des scénarios demeurera plausible. Un duel Bouteflika-Taleb est de plus en plus probable, d'autant que les deux hommes donnent l'air de ne pas vouloir manquer le rendez-vous d'avril 2004.