Dans le but de préserver les équilibres régionaux, le futur troisième homme de l'Etat serait natif de l'Est algérien. La démission de Karim Younès, qui ne semble pas avoir surpris tout le monde, puisque beaucoup savaient qu'elle se trouvait sur son bureau depuis le 10 avril passé, a, en revanche, ouvert la voie à une guerre de succession sans merci entre le FLN, affaibli par ses luttes intestines, et le RND qui a durablement le vent en poupe et qui a entamé des contacts avancés avec les députés du MSP et certains déçus de Benflis pour tenter de rafler la mise. Fait inédit dans les annales politiques algériennes, la démission du président de l'APN ne semble même pas avoir été explicitement et techniquement prévue dans la Constitution. L'article 114, en effet, se contente de préciser que «le président de l'Assemblée populaire nationale est élu pour la durée de la législature». Cela sous-entendrait que rien ni personne ne peut «déboulonner» Karim Younès ou quelqu'un d'autre, sauf cas d'empêchement majeur, tel que la mort ou une maladie grave venue empêcher le concerné d'exercer correctement ses activités. C'est, du reste, l'argument massue dont se sont toujours servis les anciens pro-Benflis dans la défense de leurs positions. Celles-ci, depuis le départ de Karim Younès, sont on ne peut plus compromises puisque le renouvellement des 22 postes de responsabilité qu'occupe le FLN doit se faire cette semaine. Ainsi, si la Constitution demeure «évasive» sur un pareil cas de figure, il en va autrement pour le règlement intérieur de l'APN ainsi que la loi organique régissant les relations des deux chambres parlementaires entre elles, et celles-ci avec le gouvernement. L'article 10 du premier texte cité en référence prévoit qu'«en cas de vacance de la présidence de l'Assemblée populaire nationale, il est procédé à l'élection du président de l'APN, dans un délai maximum de quinze jours à compter de la date de déclaration de la vacance». Ce délai, donc, ne commence pas à courir, puisque le bureau de l'APN ne s'est pas encore réuni pour constater cette vacance et en saisir la commission judiciaire afin que soit convoquée une séance plénière dans les quinze jours à venir. Le même article ajoute qu'une fois cette vacance constatée et acceptée par la plénière, la responsabilité est assumée par le doyen des vice-présidents à condition qu'il ne soit pas lui-même candidat. Il sera secondé dans cette lourde mais courte tâche par les deux plus jeunes députés que compte l'Assemblée. L'article 8, qui renvoie à l'article 3, stipule que «conformément à l'article 114 de la Constitution et l'article 11 de la loi organique fixant l'organisation et le fonctionnement de l'APN et du Conseil de la nation ainsi que les relations fonctionnelles entre les chambres du parlement et le gouvernement, le président de l'APN est élu au scrutin secret en cas de pluralité de candidats. Le candidat ayant obtenu la majorité absolue des députés est déclaré élu. En cas d'absence de majorité absolue, un deuxième tour est organisé entre les deux premiers candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix. Le candidat ayant obtenu la majorité est déclaré élu. En cas d'égalité des voix, le candidat le plus âgé est déclaré élu. En cas de candidat unique, l'élection est effectuée à main levée et il est déclaré élu s'il obtient la majorité des voix.» Les spéculations, de même que les tractations de coulisses, vont bon train. S'il ne fait aucun doute que le FLN, majoritaire à l'APN, présentera un seul candidat, rien ne dit que les «purs et durs» du camp Benflis voteront pour lui, alors que les redresseurs ont été «impitoyables» avec eux. Ce candidat, dont le nom n'est pas encore connu, pourrait bien être Daâdoua. L'homme, qui est le doyen des redresseurs au sein de l'APN, n'a curieusement pas occupé le poste de président du groupe parlementaire, laissé à M.Nouari. Il semble que Daâdoua, qui a bénéficié de l'insigne honneur de donner lecture du règlement intérieur de l'APN, ait été choisi par ses pairs depuis le début pour succéder à Karim Younès. Il n'empêche que le RND, revenu de loin depuis sa déconfiture de 2002 et la démission d'Ouyahia, a entrepris de grandes manoeuvres, en essayant de rallier à sa cause le MSP et les déçus de Benflis pour tenter de faire passer son très probable candidat. Mais dans tous les cas de figure, afin de préserver les équilibres régionaux dont notre pays trouve beaucoup de mal à se départir, le prochain troisième homme de l'Etat devrait être natif de l'Est algérien. Des sources généralement bien informées, tout en admettant que Daâdoua est natif de Batna, n'en ajoutent pas moins que ce poste se jouerait plutôt entre Boulehouadjb, Saïdani et Mamoune, tous trois issus des rangs des redresseurs, mais dont un seul représente l'Est algérien. Les paris sont ouverts...