«La parole de Alloula interpelle la jeunesse» estime Raja Alloula, en présentant la pièce de son défunt époux. El litham l'un des chefs-d'oeuvre de Abdelkader Alloula revient au TNA où cette pièce est montée par un groupe de jeunes d'Oran. Il est «nécessaire, estime Mme Alloula, que la parole de Alloula, soit dite par eux» à propos des jeunes qui ont pris l'initiative d'exhumer El litham. Intervenant avant les trois coups, Mme Alloula, qui a lutté toutes ces années pour préserver et sauver de l'oubli l'oeuvre de son mari, rappelle les paroles de Alloula qui affirmait: «Mon expérience n'est pas encore achevée, c'est aux jeunes de poursuivre le parcours». C'est en substance le message-clé qu'a laissé Alloula à la jeunesse algérienne avant son assassinat. Ils sont jeunes, pétris de volonté, ils sont âgés entre 18 et 25 ans. Le théâtre est leur dada, ils ont décidé de prendre la relève et transmettre le flambeau de leur maître. Rihab (la fille de Alloula), Djamila, Khiereddine, Jamil, Fathi, Abdelkader, Azzedine et Habib forment la nouvelle troupe El-Adjouad, qui veut perpétuer l'oeuvre du maître. L'un des objectifs de ces jeunes est la reprise des pièces de théâtre du dramaturge lesquelles constituent la vision d'un artiste préoccupé par les problèmes de la société. El Khobza, Al Agoual, El Litham, entre autres, ont donné à Abdelkader Alloula l'occasion de montrer sa sensibilité envers le devenir du peuple. Parrainée par la fondation Alloula et subventionnée par le commissariat El Djazaïr 2003 une année de l'Algérie en France, la troupe El-Ajouad a tenu, lors de cette représentation, à rendre un vibrant hommage au dramaturge en interprétant la pièce théâtrale El litham dont le thème l'écriture et la mise en scène sont dus à Alloula. El Litham (le voile) est l'histoire de Berhoum (un simple mécanicien), qui, un beau jour, décroche un poste au sein d'une usine de fabrication de papier. Pour justifier le licenciement des ouvriers, les responsables sabotent la chaudière. Berhoum honnête et sérieux repère la panne et la répare. Au lieu de le récompenser pour son travail, il se voit roué de coups et envoyé, avec moult contusions, à l'hôpital. Fuyant cette pègre, il se réfugie dans un cimetière avec d'autres marginaux. L'interprétation de la pièce de feu Alloula, il faut le reconnaître, n'est aucunement facile au vu de la complexité du texte et des situations. Cependant, malgré ces difficultés, les jeunes oranais ont tenu à être fidèles au maître en étant très attentifs au message que le dramaturge voulait délivrer. Ces jeunes comédiens ont su rendre l'atmosphère spéciale qui enveloppait le jeu. Quand on joue sur scène une des pièces de ce grand artiste on n'a pas droit à l'erreur! Ce qu'ont compris les comédiens dont le corps (mimiques et gesticulations) est mis à contribution, une des principales règles de Alloula. L'autre spécificité qui caractérise la pièce, c'est l'harmonie esthétique du dialogue et de la narration. Les jeunes comédiens ont brillamment respecté ces deux facteurs qui font et sont le fondement du théâtre alloulien. Tout en gardant la ligne directrice de Alloula, ils ont essayé, en outre, d'apporter collectivement une touche personnelle. La nouveauté qui a été observée est l'adjonction du français dans le texte de Alloula. L'expression dans les deux langues (arabe et français) a été correctement maîtrisée par la troupe El Adjouad. Avec l'énergie et la fraîcheur que dégagent ces jeunes, qui ont montré une certaine flexibilité, il est évident que l'expérience est réussie. La pièce «El Litham» sera reprise demain au TNA. Il faut dire qu'à travers cette représentation, la troupe El-Ajouad et avec peu de moyens, a prouvé qu'il était possible de faire du bon théâtre pour peu que la volonté et les...bons textes existent. Dans le cadre de l'Année de l'Algérie en France, la troupe El-Ajouad se produira en tournée en France et ce, à partir du 2 mars prochain. Un riche programme a été prévu pour célébrer l'événement Alloula dont un jumelage de la compagnie (La Mauvaise graine) représentée par Arnaud Menier (metteur en scène), et la Fondation Alloula.