La suite d'erreurs du pouvoir dans sa cabale contre le FLN donne avant l'heure son étoffe de président à Ali Benflis. Le groupe parlementaire du FLN, qui détient la majorité absolue au sein de la Chambre basse du parlement, ne cache pas son intention de bloquer, au cas par cas, les ordonnances du gouvernement Ouyahia. Un bras de fer sans précédent s'ouvre, donc, dès aujourd'hui à l'APN, qui reprend ses travaux aujourd'hui au palais Zighoud-Youcef. Emanation directe de la souveraineté populaire, l'APN demeure «aux mains» du parti de Benflis, créant de la sorte un grave paradoxe, remettant en cause la notion même de démocratie pluraliste dans notre pays. Officiellement, en effet, le FLN est passé dans l'opposition ce jeudi en rappelant ses ministres. En agissant de la sorte, Ali Benflis a prouvé que la discipline partisane existe dans ses rangs puisque aucun ministre n'a manqué à l'appel. Il avait, auparavant, démontré, lors de sa journée parlementaire, testé la grande loyauté de l'écrasante majorité de ses députés et sénateurs. Quelques semaines auparavant, un des hommes les plus proches du désormais candidat du FLN, également président de l'APN, avait défrayé la chronique en faisant un discours rappelant les pratiques démocratiques saines et la nécessaire séparation entre les pouvoirs. C'est à un véritable coup d'épée dans l'eau que s'est livré Belkhadem en exhortant une nouvelle fois les élus nationaux du FLN à rejoindre son mouvement à la veille de la reprise des séances plénières de l'APN. Il trahit au passage sa crainte de perdre définitivement la face devant l'opinion nationale et internationale en «ratant» la grande bataille de l'APN face à Ali Benflis. Cela semble d'autant plus plausible aux yeux des observateurs, que la coordination semble traversée par une assez grave crise. Si l'on en croit la rumeur, des dissensions seraient apparues au lendemain du congrès extraordinaire du FLN, de la désignation des nouveaux ministres et des nouvelles et illégales attaques menées sans succès contre la mouhafadha de Mostaganem. Les observateurs, qui ne doutent pas de l'issue de ces joutes, d'autant que le restant de la classe politique présente à l'APN a condamné les actes dont est victime le FLN, redoutent que le bras de fer ne dégénère en une motion de censure à l'adresse du gouvernement. Le cas échéant, la dissolution de l'APN, déjà abordée en haut lieu, ne ferait plus de doute, ce qui rendrait problématique la tenue de la présidentielle dans les délais impartis. Même si la dissolution de l'APN, que le FLN dit ne pas craindre, intervenait dans l'immédiat, la Constitution prévoit que les législatives anticipées aient lieu dans les 90 jours qui suivent. Outre l'impossibilité de tenir deux grandes élections en l'espace de six ou sept mois, il y a ce fait indéniable que l'institution militaire verrait d'un mauvais oeil le recours à une mesure aussi extrême. Elle remettrait en cause, en effet, la stabilité et la crédibilité d'institutions, chèrement acquises, au prix d'énormes sacrifices depuis l'interruption du processus électoral de janvier 92. En résumé, tous les actes que mène le pouvoir contre Benflis et son parti donnent plus de poids et de crédit à ce dernier. Il n'est que de voir comment la nouvelle de la candidature du secrétaire général du FLN à la présidentielle a fait le tour du monde en l'espace de quelques minutes pour se rendre compte que, sans le vouloir sans doute, Bouteflika a rendu plus de services à Benflis que ne l'ont fait ses propres fidèles. Et ce n'est pas fini...