Le code de la famille suscite des débats d'une rare violence entre deux courants de pensée irréconciliables. Le débat sur le Code de la famille ne date pas de 1984. Il a débuté immédiatement après l'indépendance. L'enjeu était immense. L'objectif principal était de condamner et de gommer définitivement les restes du colonialisme de la société algérienne qui est sortie hébétée d'une longue nuit coloniale. Dans la précipitation, on voulait faire des changements afin d'enterrer définitivement ce passé douloureux. Mais les défenseurs des acquis de l'occidentalisation étaient farouches. La première commission s'était constituée à cette époque-là. Elle avait déblayé le terrain aux débats d'aujourd'hui qui se sont intensifiés grâce aux moyens de communication qui se sont multipliés. L'un des membres de cette commission en parle dans un livre qui continue de déranger. Il s'agit de Abdelattif Soltani, le «père fondateur» de l'islamisme radical en Algérie. Dans son livre Seif el Islam, il relate avec fidélité les violences verbales, entre les courants islamiste et moderniste, qui ont caractérisé le débat des années 60. La fameuse commission avait finalement implosé. Une émission radio, diffusée par la Chaîne III en français, et très appréciée par les auditeurs avait pris le relais. Sa diffusion a cessé quelques années plus tard. Le nouveau pouvoir, qui s'était installé après la disparition de Boumediene, avait décidé d'opérer autrement. Loin des feux de la rampe, un code avait été ficelé dans le secret et voté par l'APN du parti unique en 1984. Les mouvements féministes se sont aussitôt soulevés contre ce texte par toutes sortes de pétitions et de manifestations pour le faire avorter. Le multipartisme des années 90 leur a permis ensuite d'introduire cette revendication dans les programmes de certains partis politiques. Le thème continue de susciter de vives polémiques à chaque fois qu'il est sorti du placard. Mais le débat sur le Code de la famille a de tout temps constitué une gêne pour les pouvoirs successifs. Vu l'intensité des polémiques qu'il génère, son amendement a été reporté à maintes reprises. La situation politique instable a aussi contribué à l'agitation des belligérants. L'ancien ministre de la Justice, Ahmed Ouyahia, avait proposé l'introduction des articles se rapportant à la famille dans le Code civil. Mais la proposition n'a pas été retenue. Aujourd'hui, le pouvoir en place semble avoir trouvé la bonne approche. Il a décidé de dépolitiser le débat en le soumettant aux experts. Une journée d'étude lui a été consacrée jeudi dernier. Ce ne sont là que les prémices d'un débat. La politisation n'est pas le propre du Code de la famille. C'est également le cas pour le dossier de l'éducation, de la terre, de la privatisation et de beaucoup d'autres dossiers sensibles. La politique est partout. Elle soulève les passions. La préoccupation de l'heure semble évoluer vers la dépolitisation afin d'éloigner le spectre des querelles byzantines.