Expositions et conférences autour de l'oeuvre de Kateb Yacine ont marqué les débuts d'El-Djazaïr 2003 à Grenoble. En présence du président du Conseil général du département de l'Isère, de députés, de M.Meddah, consul d'Algérie et d'un parterre de journalistes, l'association Avenir et Mémoire a présenté, lundi, son exposition autour de l'oeuvre de Kateb Yacine Un théâtre et trois langues dans l'enceinte même du Conseil général. «Mon premier contact avec le Conseil général de l'Isère, à travers Claude Bertrand, dira Zoubeïda Chergui, a dépassé très vite le cadre d'un simple soutien apporté à une association. C'est sa chaleur, son intérêt et son attachement à l'Algérie qui a contribué à mener à son terme cette aventure à la fois difficile et passionnante qui commencé voilà près de deux ans.» Elle apporte dans le même contexte un témoignage de l'ouverture du Conseil général de l'Isère, qui reste, selon des échos, l'un des départements les plus dynamiques et les plus innovants en matière culturelle par l'intérêt qu'il porte sur la question maghrébine en général et algérienne en particulier. Le deuxième point déterminant dans l'allocution de Zoubeïda Chergui est la position de proximité par rapport à Kateb Yacine, une personnalité qui cristallise toutes les incompréhensions et toutes les passions. A leur croisée, souligne-t-elle, un constat que les uns et les autres oeuvrent davantage à ensevelir, à sauvegarder et à faire rayonner l'oeuvre de Yacine. Kateb qui représente à la fois la bonne ou la mauvaise conscience des uns et des autres; et la haine et l'adoration ont, selon elle, conduit au même résultat: 10 ans de silence sur plus de 15 années de travail acharné d'un homme. Révoltée, Mme Chergui se questionne: «Aujourd'hui, où en sont la culture et les langues en Algérie?». «On a épuisé la culture dans un affrontement stérile entre francophone, berbérophone et arabophone. Tous portent la responsabilité de cette dérive dont la grande perdante n'est autre que la liberté d'expression qui passe par l'acceptation et le respect de la parole et des langues de chacun». Et ses propos sont tout de suite illustrés «Est-ce parce que je suis berbérophone que je vais renier «l'histoire des Berbères» écrite en arabe par Ibn-Khaldoun? Est-ce parce que je suis arabophone que je vais renier Nedjma, écrite en français par Kateb Yacine? Enfin, ai-je le droit étant francophone, de renier toute la littérature passée et présente, écrite en arabe, cette langue qui a été un passeur de civilisation entre l'Orient et l'Occident? «Cette langue qui a apporté les sciences exactes, les mathématiques, l'astronomie, la médecine, les plus beaux monuments de la poésie...La question est loin d'être tranchée! Faux problème, manipulation ou plus grave encore manoeuvres de division?» Selon Mme Chergui, le résultat est là: «La dépossession de la culture nationale et la confiscation de l'histoire de l'Algérie, au profit d'une élite de mandarins aux ordres et soucieux de consolider leur pouvoir au détriment de l'intérêt commun». L'Algérie est en phase de récupérer ses langues. En prenant la parole, le président du Conseil général de l'Isère, a salué le travail de l'association Avenir et Mémoire qu'il juge bénéfique pour le dialogue des cultures que cette année de l'Algérie en France, apportera une connaissance d'une autre tranche de l'histoire française que ni les Algériens et encore moins les Français ne sont prêts à oublier.