Si la bonne volonté algérienne ne fait de doute pour personne, le royaume, lui, continue à souffler le chaud et le froid. Sur invitation de son homologue marocain, le chef de la diplomatie algérienne, Abdelaziz Belkhadem, a effectué une visite officielle de deux jours, jeudi et vendredi, au royaume chérifien. Notre ministre des AE, arrivé jeudi à Rabat, en compagnie d'une importante délégation, avait fait une importante déclaration dès sa descente d'avion. Il a, en effet, annoncé qu'«une rencontre devrait se tenir prochainement entre le Président de la République, M.Abdelaziz Bouteflika, et le souverain marocain, le roi Mohammed VI». Cette annonce, toutefois, a été grandement tempérée par le porte-parole du gouvernement marocain, M.Benabdallah, qui a précisé, à l'issue de la rencontre qu'a eue Belkhadem avec le chef de l'Exécutif, Idriss Jettou, qu'«une telle rencontre n'est pas encore confirmée. Elle sera annoncée une fois confirmée et lorsque les perspectives deviendront plus claires». Ce démenti, en bon langage diplomatique, tombé alors que notre ministre se trouvait encore au Maroc et s'apprêtait à être reçu par Mohammed VI, afin de lui remettre une lettre écrite de la main de Abdelaziz Bouteflika, ne s'apparente pas seulement à de la maladresse, mais carrément à de l'orgueil dont les raisons, au reste, ne trouvent guère d'explications plausibles. Le ministre marocain des AE, tempérant ces propos, a pour sa part indiqué que «cette rencontre n'était pas exclue», précisant que «le souverain Mohammed VI et le Président Bouteflika n'ont jamais rompu le contact à travers de nombreux messages et appels téléphoniques échangés régulièrement». Deux discours, sensiblement divergents, ont fini par se cristalliser au fil des déclarations de l'un et des autres. Belkhadem, lui, a adopté un ton clair, serein, apaisant et très optimiste. Il a, en effet, qualifié de «bonnes» les relations entre les deux pays, ce qui dénote tout le tact qu'a voulu mettre notre ministre des AE dans ses interventions, et les objectifs attendus à travers cette visite, souhaitant au passage que ces mêmes relations deviennent «excellentes», cela «en élargissant les convergences d'intérêts et les créneaux de coopération». Et d'ajouter que «les deux pays auront de plus en plus de choses à faire ensemble». Belkhadem donne tellement l'air d'être optimiste qu'il est allé jusqu'à indiquer que «les frontières entre les deux pays peuvent être rouvertes incessamment, une fois réglées certaines questions techniques». Cela sous-entend, donc, que les blocages politiques n'existeraient plus. Belkhadem, enfin, a poussé les concessions jusqu'à accepter d'aborder l'ensemble des sujets avec les dirigeants marocains, y compris la question du Sahara occidental, si ces derniers venaient à en émettre le souhait. Le Maroc officiel, même s'il n'est pas loin de penser et de souhaiter la même chose, ne s'en ouvre pas moins aux médias fort différemment. L'ensemble des médias marocains, hier, citant des sources officielles, à commencer par le porte-parole du gouvernement lui-même, a soufflé le chaud et le froid. Tous les titres ou presque ont repris les propos à double sens de M.Benabdallah qui a dit que «cette visite constitue un pas en avant pour dépasser les différends du passé», ajoutant que «le Maroc accueille favorablement ces initiatives tant qu'elles se fassent dans le respect de son intégrité territoriale», mettant l'accent au passage, sur «la nécessité de libérer (ce qu'il appelle) les Marocains séquestrés dans les camps de Tindouf». Si Belkhadem voit que rien n'empêche la tenue du sommet maghrébin dans les plus brefs délais avec tous les défis qui restent à relever et les gros avantages qu'en tirerait chacun des membres, le Maroc, cette fois-ci encore, joint sa voix à celle de notre chef de la diplomatie, non sans ajouter, par la voix de sources les plus officielles qui soient que, «la question du sommet maghrébin dépend de l'amélioration des relations entre Rabat et Alger», rappelant au passage la «position claire» du Maroc à ce sujet. De cette visite, dont les conséquences restent encore à définir, le Maroc a cherché à donner à l'Algérie le statut de quémandeur alors que c'est sans doute l'inverse qui est vrai. Des points positifs sont quand même à retenir. Outre le début de dégel appelé peut-être à s'intensifier sous les bons auspices d'une très probable médiation française, l'invitation officielle lancée par Ali Benflis à son homologue marocain a été acceptée. Reste aux services des deux services protocolaires d'en définir la date, la durée et le déroulement. En clair, Idriss Jettou est attendu à Alger dans les prochains jours ou semaines, sans doute avant la rencontre qui devrait réunir le souverain marocain avec le Président Bouteflika. Autre point positif, le ministre algérien des AE a donné l'air de sortir très satisfait de son entrevue avec le roi Mohammed VI à Marrakech. Belkhadem, en effet, a indiqué à sa sortie du palais royal que le souverain marocain a «réaffirmé son attachement à la redynamisation des relations entre les deux pays ainsi que sa volonté d'oeuvrer dans le sens d'une rencontre prochaine avec le Président Bouteflika pour hisser le niveau de la coopération et concrétiser la fraternité entre les deux pays». Belkhadem devait rentrer à Alger hier assez tard dans la soirée après avoir semé une nouvelle graine en direction de la paix et de la normalisation des relations entre les deux pays, mettant une nouvelle fois le Maroc face à ses multiples responsabilités historiques.