“C'est un terrorisme dont l'Algérie a souffert malheureusement pendant des années et nous devons aujourd'hui y faire face comme elle l'a fait.” S'exprimant sur le récent attentat de Casablanca, M. Ahmed Benaïssa, ministre marocain des Affaires étrangères, actuellement en visite à Alger, s'est fait l'écho de cet aveu inattendu. Le Maroc reconnaît que le drame terroriste qui continue encore à endeuiller l'Algérie n'est pas le simple produit d'une mauvaise manipulation de laboratoire. Ciblé à son tour par le fléau tentaculaire, le royaume hachémite en appelle à la solidarité régionale pour l'enrayer. Mieux, l'expérience algérienne dans ce domaine constitue à ses yeux un exemple à suivre. “Nous devons aujourd'hui y faire face comme elle (l'Algérie, ndlr) l'a fait”, a indiqué, samedi dernier, le chef de la diplomatie marocaine à la presse, à l'issue de ses entretiens avec son homologue algérien, M. Abdelaziz Belkhadem, à la résidence de Djenane El-Mithak. Fini donc le temps où Rabat soupçonnait Alger de vouloir planter les germes de sa propre tragédie dans le royaume. Au lendemain de l'attentat de Marrakech en 1994, les autorités marocaines avaient, s'en souvient-on, mené une véritable chasse à l'Algérien. Accusant ouvertement nos services de renseignements d'avoir commandité cet attentat, elles procéderont aussitôt à l'expulsion des touristes algériens et à l'instauration d'un visa d'entrée. Profondément offensée, l'Algérie recourt alors à une mesure plus extrémiste. Elle ferme ses frontières terrestres avec le Maroc. Depuis, outre le contentieux du Sahara occidental, le terrorisme islamiste est l'autre point noir dans les relations tumultueuses algéro-marocaines. Au cours de sa campagne référendaire sur la concorde civile en 1999, le président Abdelaziz Bouteflika avait à son tour accusé le Maroc de servir de base arrière aux GIA. Cette accusation intervenait au lendemain de l'attentat de Béni Ounif près de Béchar. Sur un autre volet, le chef de l'Etat avait fait montre d'une opposition ferme à la réouverture des frontières, arguant du fait qu'une telle mesure profiterait uniquement à l'économie marocaine. L'appel persistant de l'Algérie à un règlement onusien de l'affaire du Sahara occidental a amenuisé davantage les tentatives de réconciliation entre les deux voisins. Prévu à Alger l'année dernière, le sommet des chefs d'Etat de l'Union du Maghreb arabe est finalement annulé en raison de la défection du roi du Maroc, Mohammed VI. Durant l'été 2002, la position mitigée de l'Algérie à propos du litige territorial maroco-espagnol sur lîle de Persil prolongera la brouille. C'est l'impasse. Contraints à la cohabitation dans un espace régional encouragé par les grandes puissances, notamment les Etats-Unis, impliqués désormais dans une lutte commune contre le terrorisme, Algériens et Marocains doivent se résoudre à une entente durable. Le dégel entamé avec le séjour de M. Belkhadem en février dernier à Rabat se poursuit. En faveur de la visite de son homologue à Alger, ces deux derniers jours, diverses commissions mixtes ont été mises en place. Il s'agit d'une commission politique présidée par les chefs de la diplomatie des deux pays, d'une autre économique et d'une troisième sociale et consulaire. Cette dernière commission devra tenir une réunion à Alger, à la fin du mois en cours, pour examiner les dossiers en suspens, tel que l'obtention des cartes de séjour, le payement des pensions, etc. Pour le reste, la libre circulation des personnes entre les deux pays dépend évidemment en grande partie de la réouverture des frontières. Sur ce point, il semblerait que les autorités algériennes n'y voient plus aucun inconvénient. “Une décision sera prise lors d'une rencontre entre les deux chefs d'Etat. Si les frontières sont administrativement et politiquement fermées, elles ne le sont pas dans les faits, compte tenu des liens qui unissent les deux peuples et les deux pays”, a indiqué le ministre Belkhadem, samedi. De son côté, le chef de la diplomatie marocaine a affirmé qu'il existe “un désir sincère chez les deux parties d'œuvrer de concert pour rétablir les liens de confiance, à la base de toute action commune”. Bien qu'elle soit au cœur de leurs divergences, la question du Sahara occidental semble ainsi reléguée à l'arrière-plan. “Même si elle perdure, la question du Sahara occidental ne devrait pas entraver la consultation et la coopération bilatérales”, a plaidé M. Belkhadem. Ce dernier a souhaité la tenue du sommet de l'UMA dans les plus brefs délais. “Le Maroc est favorable à toute initiative visant à relancer l'Union”, a rétorqué son homologue. S. L.