Après l'appel aux pays arabes, la France se rappelle ses ex-colonies africaines et réunit leurs chefs d'Etat pour un sommet dans la capitale française. C'est sur fond de rivalités franco-américaines sans précédent à propos de la crise irakienne, du rôle de l'OTAN et des prérogatives de l'ONU en matière de guerre et de paix, que va se tenir à Paris du 19 au 21 février le traditionnel sommet France-Afrique. Nombre de chefs d'Etat africains y assisteront. Parmi eux, le Président Bouteflika qui était à Paris le 5 février dernier dans le cadre d'une visite privée, mais qui avait pris alors les allures d'un séjour quasi officiel. Mais ce sont les Etats-Unis qui essayent de façonner le monde de ce XXIe siècle selon leur conception des relations internationales et leurs intérêts stratégiques propres y compris en Afrique, et la France, qui tente de garder sa chasse-gardée coloniale et ses pré-carrés séculaires sur le continent et semble, de ce fait, presque -à couteaux tirés-, diplomatiquement s'entend, pour le contrôle de cette partie du monde, qui seront les principaux bénéficiaires des dividendes de cette rencontre, si dividendes il y a. Du coup, pour nombre d'observateurs et d'analystes des affaires internationales, ce 22e sommet France-Afrique qui s'apparente plus à un banal rituel qu'à un forum diplomatique extraordinaire, est une aubaine de plus pour la diplomatie française de rallier à ses thèses sur l'Irak ses ex-colonies africaines, - dont trois pays (Cameroun, Guinée et Angola) siègent actuellement au Conseil de sécurité de l'ONU à titre de membres non permanents, - ayant déjà appelé les pays arabes à rejoindre son camp du refus des options américaines pour le Golfe et le Proche-Orient. Néanmoins, au-delà de cette conjoncture internationale tendue et très spéciale, mais pour beaucoup sûrement passagère, le président français, Jacques Chirac, qui a retrouvé son rôle dans la politique étrangère de son pays, serait décidé, selon des diplomates et des experts, à réengager la France en Afrique, après des années où Paris sous le régime de la cohabitation avec les socialistes de l'ex-Premier ministre Lionel Jospin, avait paru se désintéresser du continent noir. Cette politique aurait pris corps avec le déploiement puis l'intervention de plusieurs milliers de soldats français en Côte-d'Ivoire et surtout avec la volonté verbale affichée du chef de l'Etat français de -remettre l'Afrique au coeur des préoccupations - françaises. D'ailleurs, c'est dans ce cadre que le chef de la diplomatie française, Dominique de Villepin, a effectué pas moins de trois visites en Afrique dans les trois mois qui ont suivi sa nomination à ce poste, du jamais vu au Quai d'Orsay, mais témoigne d'une reprise en main des affaires africaines. La crise ivoirienne, qui dure depuis maintenant près de six mois sans trouver de solution et dont beaucoup de sources estiment que Washington y a «une main invisible», a accéléré ce fulgurant redéploiement de la présence française en Afrique. En invitant le controversé président du Zimbabwe, Robert Mugabe, Paris a mis mal à l'aise ses partenaires de l'UE et damé le pion à Londres et Washington qui l'ont dans le collimateur. Aussi, il va de soi que, outre les velléités de guerre américaine en Irak, ces deux thèmes seront au centre des débats de ce sommet qui a pour slogan «Ensemble dans le nouveau partenariat». Autrement dit, face à la montée des périls à travers la planète qui se sont traduits en Afrique par la persistance des conflits et la multiplication de la pauvreté, et en contrepartie à l'acceptation des vues françaises, la France est décidée à aider les pays de ce continent en étant le porte-voix de leurs revendications devant le sommet du G8 qu'elle présidera en juin prochain à Evian et plus tôt au sommet UE-Afrique, prévu le 5 avril prochain à Lisbonne.