Un employé de l'aéroport de Tlemcen est arrivé à se constituer un dossier qui lui permettra de «rafler» 4,5 milliards de centimes. Dans le cadre du programme d'aide à l'agriculture, la région de Maghnia a bénéficié d'un pactole de plus de 110 milliards de centimes. Cette somme d'argent a fait sortir de leurs tanières les loups affamés. Des dossiers ont été, à la hâte, constitués par des individus qui n'ont aucun lien avec la terre. Des gens qui ne sont ni sinistrés ni ne savent comment sarcler un champ. Parmi ces fellahs de dernière minute, se recrutent des barons de la drogue, des responsables dans l'administration, des individus proches de la pègre locale. C'était la ruée vers la vache à traire, on s'entraidait à confectionner de faux dossiers -en béton- pour gagner cet argent tombé du ciel. Des personnages aux mains douces que le travail de la terre n'a pas endurcies se sont lancés dans la plantation d'arbres fruitiers, dans l'apiculture, les pépinières, l'élevage ovin, des domaines qu'ils ne connaissent point. Au total pour la seule région des frontières ouest, ce furent plus de 1 600 dossiers déposés. L'enveloppe budgétaire allouée à cette opération se répartissait selon des segments établis par la direction de l'agriculture. Cet apport financier est consécutif à la sécheresse qui a sévi ces dernières décades en Algérie. L'Etat a débloqué d'énormes budgets pour relancer l'agriculture surtout dans les régions qui souffrent d'enclavement. Le but de ces aides était de faire supporter aux agriculteurs les effets de la sécheresse et de relancer le secteur pour parvenir, à moyen terme, à une autosuffisance alimentaire. Seulement, les pouvoirs publics n'ont pas érigé de barrières pour éloigner la mafia compradore qui a su comment manoeuvrer pour récupérer cet argent censé ne profiter qu'à ceux qui travaillent la terre, notamment à Maghnia. Ainsi, 82 milliards de centimes ont été dégagés pour le fonçage de puits, 12 milliards pour la plantation d'arbres fruitiers, 700 millions pour la relance de la viticulture. La même somme a été retenue pour la culture des agrumes ainsi que le développement de l'élevage des vaches laitières et l'installation de pépinières. Pour l'apiculture ce sont 600 millions de centimes qui furent mobilisés. Un employé de l'aéroport de Tlemcen fait des pieds et des mains et des pour glaner quelques milliards. Grâce à ses appuis, il arrive à se constituer un dossier qui lui permettra de - rafler - au passage 4,5 milliards de centimes qu'il ne versera pas dans le développement de l'agriculture comme spécifié dans son dossier. Il utilisera cet argent dans la construction d'une villa et dans l'édification de magasins. Le reste, il l'utilisera dans le trafic de marchandises via les frontières. La vox populi dira qu'il avait, à l'occasion d'une fête, égorgé 46 moutons pour le méchoui qui allait récompenser les largesses de ses bienfaiteurs. Un autre, un certain Ali H., connu dans la région pour avoir trempé dans des affaires de drogue, a lui choisi le domaine de la plantation d'arbres fruitiers. Il s'improvise fellah et présentera un dossier en béton appuyé par des recommandations venues de toutes parts. Il propose de creuser et d'équiper un forage sur la bande frontalière pour irriguer sa plantation d'arbres fruitiers. Un programme mirifique qui n'existe que dans sa tête embuée de vapeur éthylique. Il achètera plusieurs milliers de plants, une pompe et des conduites en galvanisé pour ses besoins. Seulement quelques mois après, aucun arbre n'a été planté et tout l'équipement destiné à l'irrigation est transporté de nuit vers le Maroc. Il ira rejoindre les plants vendus à des agriculteurs marocains. Poursuivant sa tétée de deniers publics, il se fera livrer, via les services agricoles, des tonnes de pommes de terre semence qu'il stockera quelques mois avant de leur faire prendre la voie des frontières. Les quelques quintaux qui restent serviront à alimenter la spéculation sur ce produit. On dit que sa pomme de terre semence a été vendue, au vu et au su de tout le monde, aux ménages de la ville de Maghnia sans que cela n'émeuve personne. Cet investissement, soutiré aux véritables fellahs, qui eux continuent de subir les fâcheuses conséquences de la sécheresse, serait de l'ordre de 1 milliard 300 millions de centimes. Il faut dire que Ali H, ne possède aucun lopin de terre et qu'il ne sait même pas comment planter une patate. On raconte à Maghnia qu'un gros ponte su secteur a construit une villa de 500 millions de centimes à son fils à Zouiya et qu'il aurait payé les frais du pèlerinage à un imam de la région, une largesse qui lui aurait coûté la coquette somme de 30 millions de centimes. Un autre -capo- se fera livrer 15 vaches laitières importées à coup de devises sonnantes et trébuchantes. Ce dernier, dont on dit qu'il serait le parent d'un ministre, a réussi à faire passer la frontière à ses vaches de nuit en les faisant accompagner par des clandestins africains avec la promesse de leur faciliter l'entrée dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Ce quidam avait réussi à soudoyer plusieurs personnes pour réussir son entreprise. Actuellement, il continue de sévir et de faire preuve de forfanterie. Les puits pour lesquels un budget de 82 milliards de centimes a été un filon exploité par la mafia. On raconte à Maghnia que des puisatiers syriens ont été ramenés dans les bagages d'un trabendiste. Ce dernier aurait constitué à la hâte, une Eurl pour servir d'écran aux activités des Syriens. Il facturait 10.000 DA le mètre aux Syriens alors que lui récupérait pour chaque ouvrage ne dépassant guère les quelques dizaines de mètres la bagatelle de 300 millions de centimes. Les fellahs de Maghnia vous diront aussi que cette mafia a réussi à soudoyer toutes les commissions d'enquête dépêchées sur les lieux. On raconte que ces dernières reçoivent un accueil des plus chaleureux à chaque déplacement. Le séjour des enquêteurs est pris en charge dans des hôtels de luxe par un entrepreneur connu qui avait l'année dernière réalisé un chiffre d'affaire de 8 milliards de centimes sans le déclarer aux impôts. Pour les besoins des enquêtes, certains véreux exhument du matériel réformé, à la place de celui revendu au Maroc, pour le présenter aux enquêteurs et dès leur départ les affaires reprennent. Maghnia et sa région comptent 1750 agriculteurs recensés comme tel. Le nombre de ceux qui ont vraiment profité de l'aide de l'Etat ne dépasse guère la vingtaine. Les autres ont servi de faire-valoir pour faire avaler la pilule et pour masquer tout l'argent destiné à aider le fellah algérien mais qui a servi finalement les sujets de Sa Majesté.