Le sommet ordinaire des Non-Alignés se tiendra lundi à Kuala Lumpur. Longtemps considéré comme le fer de lance du mouvement de libération des pays en voie de développement, le Non-alignement doit se repositionner eu égard aux bouleversements qui ont induit la scène mondiale cette dernière décennie. Dès lors, les Non-alignés doivent-ils, sans doute, se remettre en cause, et redéfinir ce qui a été leur raison d'être, pour essayer de retrouver une envergure leur donnant de jouer un rôle au niveau de leurs ambitions. En effet, à la lumière de la nouvelle carte géostratégique dessinée par la disparition de l'URSS, et dans un monde marqué par les ambition de domination américaines, on observe ainsi un certain recul des luttes pour les causes des peuples en développement. La disparition du bloc communiste a, par ailleurs, induit une rupture des équilibres des forces, laissant sur le champ géostratégique mondial les Etats-Unis comme seule puissance prépondérante. Les Non-alignés qui se sont investis comme force de dialogue et de concertation ont ainsi vu leur rôle amenuisé par la disparition de l'Union soviétique d'une part, par leur incapacité d'occuper le vide laissé par l'ex-URSS d'autre part. Aujourd'hui le Non-alignement tente de se trouver, sinon une nouvelle cause, du moins une voie lui permettant d'exprimer les préoccupations du tiers et du quart monde. A Kuala Lumpur, en Malaisie, où se tiendra, lundi et mardi, le 13e sommet du Mouvement des Non-alignés, la commission ministérielle s'attelle ainsi à déblayer le terrain aux chefs d'Etat et de gouvernement qui assisteront à la réunion triennale. La crise irakienne, le terrorisme, la situation au Proche-Orient, la question du nucléaire nord-coréen et le désarmement, sont autant de points chauds prévus à l'ordre du jour de la présente session, selon des sources proches de la conférence des ministres des Affaires étrangères des pays Non-alignés. D'emblée, les délégués des 114 pays présents aux travaux de la réunion préparatoire du sommet ont axé leurs discussions sur la crise irakienne. Les participants sont unanimes à s'élever contre toute confrontation militaire n'ayant pas le feu vert du Conseil de sécurité de l'ONU. Ainsi, le texte du projet de déclaration qui sera soumis au Sommet, affirme: «Nous rejetons catégoriquement les menaces sur l'utilisation unilatérale de la force pour résoudre les questions menaçant la paix et la sécurité internationales». Les Irakiens forment également l'espoir que les Non-alignés adoptent le texte par lequel, la Ligue arabe, - lors de la réunion des ministres arabes des Affaires étrangères réunis au Caire samedi dernier -, appelle les pays arabes à «s'abstenir de tout soutien à une action militaire qui conduirait à une menace pour la sécurité de l'Irak». Outre l'Irak, l'autre point à l'ordre du jour conséquent sera la situation dans les territoires arabes occupés où la population palestinienne est depuis deux ans sous le joug de l'armée israélienne d'occupation. Dans ce contexte, les Arabes vont essayer de faire condamner Israël pour crimes de guerre dans les territoires palestiniens occupés. Ainsi la représentation de la Palestine aux Nations unies va défendre un projet qui sera soumis au Sommet lequel «condamne fermement les crimes de guerre et les violations systématiques des droits de l'homme commis par les forces israéliennes d'occupation à l'encontre du peuple palestinien». Le point sur lequel le débat risque d'être vif est celui relatif au terrorisme et plus généralement à la lutte contre le terrorisme. Les Non-alignés qui condamnent strictement le terrorisme appellent en revanche à la tenue d'une conférence internationale, sous l'égide de l'ONU, pour singulièrement «définir le concept du terrorisme (afin) d'éviter l'amalgame entre le terrorisme et la lutte des peuples pour leur indépendance». Cela est notamment vrai pour la résistance palestinienne qu'Israël a vite fait d'assimiler, trop facilement, au terrorisme. Le nucléaire nord-coréen, qui a induit ces dernières semaines une crise aiguë entre Pyongyang et Washington, fait également l'objet de débats au sein de la commission préparatoire. Selon des sources proches des travaux, il sera, sans doute, demandé à Pyongyang, membre de droit des Non-alignés, de revenir au traité de non-prolifération nucléaire, que la Corée du Nord a récemment quitté. D'autre part, les experts travaillent sur un projet de texte appelant les puissances nucléaires à réduire leurs arsenaux, demandant aussi une dénucléarisation totale de la région du Moyen-Orient ainsi que le désarmement nucléaire d'Israël, seul Etat de cette région, disposant de l'arme nucléaire.