Dans sa déclaration finale, le mouvement des non-alignés refuse le recours à la force et réitère la primauté de l'ONU. Après deux jours de travaux, les non-alignés ont clôturé leur XIIIe sommet par la prise d'une série de recommandations consignées dans une déclaration finale d'où il ressort le ferme rejet par les pays non-alignés de la politique unipolaire et du recours à la force comme moyen de résoudre les conflits et crises qui interpellent la communauté internationale. Dans ce contexte, la crise irakienne a donné au mouvement des non-alignés de se positionner clairement contre la guerre contre l'Irak. Relevant le fait que la guerre serait «un facteur de déstabilisation dans toute la région et aurait des conséquences humanitaires, économiques et politiques immenses pour tous les pays dans le monde», la déclaration finale souligne: «Nous réaffirmons notre engagement à mobiliser nos efforts afin de trouver une solution pacifique à la situation actuelle. Nous saluons et soutenons tous les efforts exercés afin d'éviter la guerre contre l'Irak et demandons leur poursuite constante sur une base multilatérale, par opposition aux actions unilatérales, et réaffirmons le rôle central des Nations unies et du Conseil de sécurité dans le maintien de la paix et la sécurité dans le monde.» Intervenant devant la tribune des non-alignés le vice-président irakien, Taha Yassine Ramadan, après avoir invité une délégation des non-alignés à venir à Bagdad enquêter «sur les conditions de la coopération» de l'Irak, indiquera «L'Irak est déterminé à poursuivre ses efforts pour faciliter la vérification de tous les problèmes si (la commission onusienne) demande des détails», affirmant que l'Irak a «accepté la résolution 1441 pour dévoiler les mensonges américains». Fort de six membres (non-permanents), au Conseil de sécurité (Angola, Cameroun, Chili, Guinée, Pakistan et Syrie), le mouvement des non-alignés veut ainsi peser sur les événements pour essayer de les infléchir dans un sens plus équitable en donnant, à tout le moins, toute sa chance à une solution pacifique. Ainsi, à propos du nouveau projet de résolution américano-britannique, le président du Pakistan, Pervez Musharraf, après avoir relevé qu'une guerre «pourrait déstabiliser la région» indique: «Je ne crois pas que le Pakistan y soit favorable», soulignant: «Il est très important de voir s'il y a une violation quelconque de la part de l'Irak. Nous devons être clairs là-dessus et cela conduira à certaines décisions de notre part.» Le président pakistanais, dont le pays est membre non-permanent du Conseil de sécurité, insiste par ailleurs sur le fait que «les efforts doivent être faits des deux côtés. L'Irak doit se conformer à la résolution 1441 et s'assurer que toutes les armes de destruction massive sont détruites». La déclaration finale souligne également «la nécessité de dynamiser le rôle de l'Assemblée générale des Nations unies et d'améliorer ses modalités de fonctionnement» mettant en exergue la «nécessité d'un équilibre des prérogatives de l'Assemblée générale et du Conseil de sécurité». Sur un autre plan, et en marge du sommet des non-alignés, une réunion informelle a regroupé des membres de l'Organisation de la conférence islamique (OCI), dont une réunion est programmée à Doha dans les prochains jours. Les 48 pays présents à Kuala Lumpur, sur les 57 membres de l'OCI, ont décidé de «faire cause commune» avec les pays européens qui font campagne pour une solution pacifique de la crise irakienne. Dans une conférence de presse, le Premier ministre malaisien, Mohamed Mahathir, nouveau président en exercice des non-alignés - dont le pays est également membre de l'OCI - a déclaré: «Nous avons décidé de faire cause commune avec les pays qui sont contre la guerre en Irak, c'est-à-dire les pays européens comme la France, la Russie, la Belgique et l'Allemagne. Nous devons travailler avec eux.» Insistant sur le fait que la force doit être employée en dernier recours, M.Mahathir affirme: «Pour l'instant, les conditions d'utilisation de la force contre l'Irak ne sont pas réunies». Le Premier ministre malaisien dira aussi qu'il a été «suggéré que nous envisagions d'utiliser l'arme du pétrole de manière à faire pression» (notons que l'Arabie saoudite et l'Irak, les deux principaux producteurs mondiaux de pétrole participaient à cette réunion de l'OCI). Le dirigeant malaisien reconnaîtra toutefois que «le pétrole est une arme à double tranchant» s'appuyant sur le fait que «ce peut être quelque chose de très dangereux car, comme l'ont souligné certains, cela pourrait avoir un grand nombre de répercussions, mais si nous ne l'envisageons pas nous ne serons pas en mesure d'exercer une influence». Il relèvera, en outre: «Nous savons que nous sommes très faibles. Il n'existe pas de grandes puissances parmi les pays islamiques. Si nous n'agissons pas ensemble (...) nous serons l'un après l'autre mis dans l'incapacité d'agir.» Le nouveau président du mouvement des non-alignés résume en fait le dilemme devant lequel se trouvent les pays en développement d'une manière générale, les pays arabes et islamiques plus particulièrement.