La France n'a pas de politique «kabyle» ou de «droits de l'Homme en Algérie». Lors de ce rassemblement, on compte brandir au visage du président français deux préoccupations qui taraudent et la société et la classe politique algériennes, à savoir l'énigmatique question des droits de l'Homme qui se pose avec acuité après une sanglante décennie, mais surtout la lancinante crise kabyle. Mais pourquoi avoir attendu la visite de Chirac pour organiser une telle manifestation? Pourtant il n'y a pas que ce dernier parmi la noria de chefs d'Etat européens auxquels les droits de l'Homme sont chers à avoir foulé, ces derniers temps, le sol algérien. Certes l'escale du président français intervient dans un contexte politique particulier encore fait de contestation et de dénonciation. Le mouvement citoyen soutient que son action n'est pas destinée à «s'opposer à la visite du président de la République française dans notre pays et non point pour suggérer une quelconque ingérence, mais pour prendre à témoin le président français quant aux répercussions négatives de cette visite sur l'amélioration de l'état des droits de l'Homme dans notre pays puisque le pouvoir mafieux et assassin fort impopulaire d'Alger s'empresse de saisir cette occasion pour soigner son image et redorer son blason terni». Mais la démarche telle qu'affichée par les ârchs et SOS Disparus est pour le moins anachronique. En effet, la France de Jacques Chirac est loin d'être celle de Mitterrand tellement friande «d'interventionnisme». Ainsi, les ârchs, en optant pour la remise d'une lettre d'interpellation au chef de l'Etat français par le biais de l'ambassadeur de France en Algérie, risque de connaître une fin de non-recevoir. De même que le collectif des familles des disparus en Algérie qui veut interpeller Chirac sur le cas des «disparitions forcées», sonne comme une fausse note. L'Algérie n'est plus un pays d'outre-mer devant rendre des comptes à ses tuteurs, mais traite désormais d'égal à égal avec tous les Etats, notamment la France. En outre, le gouvernement algérien prend à bras-le-corps ces questions brûlantes qui ne peuvent souffrir d'omission et qui relèvent des préoccupations les plus intimes de la nation algérienne. De fait, la question des droits de l'Homme et maintenant l'équation kabyle, devenues par la force des choses manipulables à merci, ne peuvent être, en ce moment précis, du ressort de la France qui, contrairement aux idées reçues, n'a pas de politique «kabyle» ou de «droits de l'Homme en Algérie», qu'un certain mythe laisserait à penser. Elle préfère les laisser aux prérogatives de son pays hôte. Dans tous les cas de figure, les Français ne sont pas dupes et savent que la scène kabyle forme, pour le moment, un champ hétérogène qui est loin de présenter la cohésion théorique que lui imputent hâtivement certains porte-parole autoproclamés. Il n'y a, pour s'en convaincre, que de voir les dissensions qui minent présentement L'Année de l'Algérie en France. Plus que tout autre problématique les droits de l'Homme et les questions identitaires supposent un affranchissement certain par rapport aux Etats. Fussent-ils liés par des liens historiques. A méditer!