Ivresse des retrouvailles, soleil, neige de confetti et pluie de youyous. Bien avant son arrivée, tout-Alger respirait l'aura de Jacques Chirac. L'effervescence était palpable dès les premières heures de la matinée, Alger attendait son hôte particulier. Déjà, vers 9h, les banlieusards se déversaient sur le centre de la capitale. Des enfants et des adultes se sont levés aux aurores pour recevoir leur invité de marque. Mais vers 11h, le temps était comme suspendu. Le pouls des artères de la capitale ne battait que pour les «retrouvailles». au Mauritania, point de chute du cortège présidentiel qui devait arriver de l'aéroport Houari-Boumediene, une armée de journalistes, représentant la presse nationale et internationale, attendait de pied ferme l'heure «H». Ce lieu est un endroit hautement symbolique puisqu'il abritait le siège de l'agence Air France. Et c'est celui qu'a choisi le wali d'Alger, M.Nourani en compagnie de son président d'APC, pour remettre les clefs de la ville à Jacques Chirac. Le boulevard Amirouche, qui abrite de prestigieuses administrations, grouillait de monde. Les rythmes du saxo qui y résonnaient donnaient un air de gala à tout le boulevard qui déployait ainsi son faste jusqu'à la lisière de la Grande-Poste. Dans la foule, tout le monde y allait de son commentaire, deux vieilles dames, équipées de bouteilles d'eau minérale et de provisions, donnent l'air d'être là depuis longtemps. Elles disent attendre beaucoup de la visite de Jacques Chirac. Optimistes, elles escomptent des changements sur les plans politique, économique et sécuritaire, l'une d'elles annonce que c'est pour la première fois qu'elle sort dans la rue pour saluer un président. Toutes font confiance à Chirac auquel elles reconnaissent une sincérité remarquable. «C'est un très bon chef d'Etat. Par son charisme, il parviendra à renforcer les rapports entre nos deux pays», concluent-elles. Avec un accent kabyle prononcé, ces deux jeunes étudiants font part de leurs préoccupations: «On souhaite la bienvenue à Chirac, mais nous l'invitons à faire un tour en Kabylie pour qu'il découvre la réalité des régions, car la capitale ne reflète pas la vraie image d'un pays.» Des étudiants en commerce se demandant si des harkis n'accompagnaient pas le président français, déclarent: «Nous espérons que l'intérêt français pour l'Algérie mettra fin à l'isolement et à la crise multidimensionnelle qui nous mine. Que les Français investissent plus chez nous!» Il est plus de 13h 30, une sirène annonce l'arrivée des deux chefs d'Etat. Ces derniers changent de véhicule et montent dans la voiture présidentielle: une Mercedès noire décapotable. Le cortège s'ébranle et s'enfonce le long du boulevard Amirouche. L'imposante escorte des Harras sur leur monture ajoute au caractère racé de cet accueil particulier. A hauteur de la Grande-Poste, une véritable marée humaine était tenue en respect par un imposant cordon sécuritaire, le temps que le véhicule présidentiel s'engouffre dans le boulevard Zighoud-Youcef, après avoir franchi le square Sofia. Cependant, quelques mètres plus loin, vers l'APN, la garde rapprochée de Jacques Chirac avait de plus en plus de mal à contenir l'élan fougueux de son «protégé» sous une pluie de youyous et une neige de confetti. Chirac, qui a préféré marcher, voulait totalement vivre la communion avec le peuple algérien, qui l'acclamait. Il tenait à avoir un contact «charnel», vrai avec ce dernier. Et il serrait les mains qui se tendaient vers lui. Généreusement. A profusion. Aux abords de l'avenue, éclairée par un doux soleil d'après-midi, toute l'Algérie était représentée: fantassins du M'zab, Touareg, Karkabou, danses et chants chaouis...Tous accompagnaient l'avancée du président vers l'hémicycle. Au port, des bateaux actionnaient leurs sirènes et lançaient des trombes d'eau vers le ciel ou lâchaient des ballons tricolores qui semblaient vouloir atteindre le ciel. A gauche de l'avenue, des pancartes pro-Irak étaient brandies par des associations et autres comités nationaux. Toutefois, l'Association des parents de disparus a eu tout le mal du monde à faire place à ses slogans parmi la foule en ivresse. Vers 14h 45, les deux chefs d'Etat étaient enfin à l'APN où une chorale les attendait. Cette dernière, vêtue de tenues aux couleurs algériennes et françaises, a chanté en langues arabe et française en l'honneur du chef d'Etat français, qui était visiblement ému par l'accueil.