Pour une première, c'est un triomphe. La rue algéroise a réservé un accueil des plus chaleureux au président français en visite d'Etat dans notre pays. De mémoire de journaliste, jamais officiel étranger n'a réussi à provoquer un tel enthousiasme populaire. Jacques Chirac voulait sonder la rue algérienne, il a eu, hier, un bain de foule. Moments forts de la balade algéroise du président français. 14h. La place Maurétania est pleine à craquer. Des femmes, des vieilles, des jeunes et des moins jeunes, se bousculent pour se frayer un passage. On ne veut aucunement rater Chirac. Les troupes folkloriques égayent l'atmosphère avec des airs traditionnels face aux chevaux de la Garde républicaine. Des milliers de fanions aux couleurs des deux pays sont agités sur toute la longueur du boulevard et même sur les balcons. 14h10. Un carrousel de voitures rutilantes se fait entendre. “Ils sont arrivés”, crie-t-on dans tous les sens. Bienvenue à Chirac, mais bienvenue au délire, aux couleurs et aux clameurs. Les nombreux reporters, algériens et étrangers, se ruent vers les deux chefs d'Etat qui saluent la foule. L'ambiance devient très colorée. Les youyous plus stridents fusent. Chirac et Bouteflika s'engouffrent dans une Mercedes limousine noire décapotable, que tout le monde découvre pour la première fois. Un confrère affirme que c'est la même qu'avait John Kennedy. “L'engin” dans lequel les deux présidents ont pris place se meut lentement devant ce déchaînement populaire. De la main, Bouteflika et Chirac saluaient la foule agglutinée aux abords du boulevard. Chirac est visiblement aux anges. Il ne cesse de tourner et de se retourner dans la voiture, les bras en l'air. Il envoie même des regard amicaux aux citoyens juchés sur les balcons. 14h20. La Mercedes s'immobilise à hauteur du CPA. Le président français ne peut visiblement pas résister à un tel engouement populaire. Il quitte le confort de la voiture avec son hôte et s'en va serrer les mains des citoyens. Rush des reporters qui guettent ne serait-ce qu'une petite déclaration. Des centaines de micros sont tendus aux deux chefs d'Etat, et autant de films sont “grillés” en fraction de seconde pour immortaliser ces moments forts. “Vive Chirac, vive Chirac !” lance la foule, à laquelle le président français répond par un large sourire et de chaudes poignées de main à des inconnus. 14h30. La ferveur est telle, que les deux présidents ne veulent plus remonter dans la luxueuse Mercedes. Ils passent, allégrement du côté droit de la route au côté gauche. Le test est réussi, autant profiter semble se dire Chirac. Depuis le square Sofia, on peut voir une marée humaine massée sur toute l'étendue du boulevard Amirouche. Cela rappelle à leurs yeux les marches des démocrates. Le décor est saisissant, au milieu de toutes ces belles couleurs. Les clameurs deviennent de plus en plus fortes. Les couleurs plus chatoyantes. La grappe de familles de disparus qui veulent visiblement crier leur douleur aux deux chefs d'Etat a bien du mal à se faire entendre. Les cris des malheureuses femmes se perdent au milieu de la troupe de chanteurs qu'on a placée juste devant elles. Rien n'a été laissé au hasard. Normal, on ne veut point gâcher cette fête par une présence aussi “encombrante”. A quelques pas plus loin, une masse de jeunes desperados entonne le tube toujours en vogue chez nous : “Donnez-nous des visas !”. Une journaliste d'une radio française accourt vers l'un d'entre eux et lui demande ce qu'il veut faire d'un visa. Notre jeune, sans doute intimidé, répond dans une fausse “redjella”: “Nnmout Hna”( je vais crever ici). Pendant ce temps, les sirènes des bateaux retentissent au passage du cortège présidentiel, et des youyous sont poussés à pleins poumons depuis les balcons. Le cordon de sécurité a bien du mal à contenir la … curiosité des journalistes. Des trottoirs, on entend des “vive Chirac, par ci, vive Bouteflika par là”, ou encore : “Non à la guerre contre l'Irak ! Veto ! Veto !” D'autres personnes, prises d'un subit accès de fierté nationale, se mettent à chanter en chœur l'hymne national Qasaman. La procession, qui grossit au fur et à mesure, marque une nouvelle halte devant le siège de la wilaya, le temps pour les deux chefs d'Etat d'écouter une chorale qui, arborant des écharpes aux couleurs des deux pays, improvise un morceau de musique, alternant l'arabe et le français. Coups de fusil à la gloire de Chirac et de Bouteflika, et destination Bab El-Oued où ils ont déposé une gerbe de fleurs à la mémoire des victimes des inondations. Chirac est passé, et son bain de foule réussi. Hier, le Président français était chez lui en …Algérie. H. M.