Ce quartier populaire acquis, autrefois, à la cause islamiste, semble, aujourd'hui, tourner totalement la page. Jamais une personnalité n'a pu drainer une foule aussi importante que celle venue accueillir le président Chirac, hier, à Bab El-Oued. Ce quartier populaire acquis, autrefois, à la cause islamiste, semble, aujourd'hui, tourner totalement la page. Les centaines de jeunes ayant pris place, dès 11h, dans les différentes artères où devait passer le cortège présidentiel, ne sont pas venus pour écouter des discours. Non, on est là pour accueillir Chirac, ou «ammi Chirac» comme se plait à l'appeler ce jeune. Il faut dire qu'ici, on commence à s'habituer aux virées du président français. «J'étais certain qu'il allait bifurquer du côté de Bab El-Oued, il ne pouvait rater cette escale», précise Amine, 19 ans, étudiant en médecine. Il faut dire que les autorités locales n'ont pas lésiné sur les moyens pour réussir le bain de foule. «Où sont les habitants de Bab El-Oued, je ne reconnais personne», fait remarquer ce jeune. En effet, les organisateurs ont fait venir des jeunes de plusieurs localités. «Vous êtes avec notre groupe?», nous demande un quadragénaire, mais vous êtes qui? lui avons-nous demandé? «C'est le groupe de Bouzaréah.» Il y a aussi les groupes de Bir Mourad Raïs, Birtouta, Aïn Benian...«Les jeunes de Bab El-Oued se sont déplacés à Médéa pour assister au match du MCA», nous dira cette vieille. Il n'en demeure pas moins que les habitants de ce quartier gardent toujours en mémoire la visite éclair de Jacques Chirac, le 1er décembre 2002 dans ce quartier ravagé par les inondations qui avaient fait, trois semaines plus tôt, plus de 800 morts. Une visite très appréciée Contrairement aux principaux quartiers d'Alger-Centre, dont les façades ont été badigeonnées, à grands coups de peinture blanche, les autorités de Bab El-Oued n'ont pas eu, cette fois-ci, la tâche rude, sachant que les grands travaux (goudronnage des routes, plantation d'arbres, réaménagement des zones sinistrées...) ont été achevés avant la visite de Président Bouteflika le 3 novembre dernier, à la veille de premier anniversaire des inondations du 10 novembre. Toutefois, on a remarqué, depuis quelques jours, une présence renforcée des services de sécurité. Les principaux axes menant vers Bab El-Oued ont été quadrillés dès la matinée. «Un dispositif des plus normaux pour une visite d'un chef d'Etat», rassure ce commissaire. Bref, tout était fin prêt pour accueillir «comme il se doit» l'hôte de l'Algérie. Et pour que la venue de M.Chirac soit une réussite complète, le temps s'est mis de la partie en se faisant plus clément en cette journée hivernale. Bab El-Oued a vécu, hier, au rythme de la visite de Jacques Chirac 10h 30. On commence à fixer les premières banderoles. Dévoilant, pour l'occasion, l'aspect que l'Algérie officielle a voulu donner à cette visite d'Etat, la première d'un président de la République française dans notre pays après l'Indépendance. Sans grande surprise, cette visite est placée sous le signe de: «La refondation des relations bilatérales», «Pour un partenariat au service du développement des deux pays», «Pour la consolidation de l'amitié algéro-française» ou encore «Bouteflika-Chirac: même combat». Mais qu'en attendent les jeunes très touchés par le chômage? «Des visas évidemment.» 12h. Le compte à rebours a commencé. L'axe routier menant du 1er-Novembre à Triolet est fermé à la circulation. Le nombre de personnes prenant place derrière les barrières de sécurité, installées la veille, ne cesse de s'accroître avec un seul souci: «L'heure de l'arrivée de Chirac?». 13h, selon certains, 14h, selon d'autres. «Peu importe, j'ai toute la journée, un visa, ça vaut le coup, n'est-ce pas?», clame un jeune. «Pensez-vous que j'aurai le temps d'aller déjeuner à la maison», nous demande un autre soucieux de ne pas rater l'apparition du président Chirac. En attendant le cortège présidentiel, on discute de tout et de rien. «Toi tu vas passer sur TF1 et moi sur Canal+», explique El-Hadja Fatima à sa voisine. «Pauvres jeunes, ils rêvent d'un visa», ajoute une quinquagénaire. L'on retient aussi cette déclaration hautement symbolique de Farid: «Vous avez oublié ledjedoud (nos aïeux).» 15h. Les motards arrivent à la rue Rachid-Kouache - lieu où a été érigée la stèle commémorative - suivis de la presse française. La foule pense qu'il s'agissait des deux présidents. On commence alors à scander: «Atouna el-visa». 15h 05. Le cortège présidentiel arrive sur les lieux, accueilli par des youyous et des slogans: «Atouna el-visa», «Vive l'Algérie», «Gloire à nos martyrs», ou encore «Vive Saddam». Les deux présidents saluent la population, puis se dirigent vers la stèle commémorative, pour y déposer une gerbe de fleurs à la mémoire des victimes des dernières inondations. Malgré l'insistance de la presse, les deux présidents ne feront aucune déclaration. «Notre président est assez populaire chez vous, n'est-ce pas?», nous apostrophe un confrère de la presse française. Pensez-vous que Chirac facilitera l'octroi des visas pour ses jeunes qui sont venus l'applaudir aujourd'hui? lui avons-nous demandé. «C'est très peu probable, réplique-t-il. On doit peut-être commencer par les aides financières.»