Après cette visite, les spéculations iront bon train quant à un hypothétique voyage de Bush en Algérie. La visite d'Etat qu'a effectuée en Algérie, le président de la République française, Jacques Chirac, -scellera-, laisse-t-on entendre des deux côtés de la Méditerranée, ce qui est désormais appelé «la refondation des relations algéro-française». Loin des cérémonies protocolaires, elle sera aussi un moment fort pour les spécialistes de la géopolitique pour évaluer l'état des lieux de la compétition pour ne pas dire de la vieille «rivalité franco-américaine» dans cette région du monde particulièrement en cette conjoncture internationale dominée par une crise sans précédent dans les rapports entre Paris et Washington à propos de l'Irak ou d'autres points chauds dans le monde. Considérée par la France comme faisant partie de sa traditionnelle zone d'influence englobant tout le Maghreb, voire une grande partie du continent africain francophone, sinon comme sa «chasse-gardée» naturelle, et par Washington comme un «un Etat (dit) pivot» sur lequel, à l'instar de plusieurs autres dans la région, devrait s'appuyer la stratégie, sinon l'influence américaine dans cette partie du monde, l'Algérie est, d'une manière ou d'une autre, au centre des calculs géostratégiques de ces deux puissances occidentales. La multiplication ces derniers mois des visites de responsables américains dans la capitale algérienne (William Burns, secrétaire d'Etat adjoint chargé des Affaires du Proche-Orient et de l'Afrique du Nord, Marc Grossman, secrétaire d'Etat chargé des Affaires politiques) et les répliques dans les semaines qui suivirent de la diplomatie française et des hommes d'affaires de l'Hexagone, ne font pas l'ombre d'un doute quant à une nouvelle «course au clocher» des deux côtés de l'Atlantique pour avoir les préférences d'Alger. C'est que les enjeux pour les deux puissances sont immenses. Les importantes réserves pétrolières et gazières du sous-sol algérien attirent de plus en plus de compagnies pétrolières occidentales fortement appuyées par leurs Etats respectifs, suscitant, au passage, leur convoitise et leur rivalité pour un marché très porteur de plus de 30 millions de consommateurs. Si les médias des deux pays concernés par ces intérêts de puissance et les journaux nationaux évitent, volontairement, d'étaler au grand jour les objectifs inavoués des deux puissances dans leur volonté de pénétration de la société algérienne, certains quotidiens internationaux, plus libres dans leurs révélations, n'hésitent pas à rapporter à leurs lecteurs les états d'âme des responsables français, américains ou algériens sur cette question. Ainsi, selon certains de ces observateurs neutres ou désintéressés de ces jeux d'intérêt, de hauts responsables français suivraient, depuis quelque temps et avec un «intérêt mêlé d'inquiétude», l'activisme politico-économique américain en Algérie. Ils y verraient une volonté de Washington de «changer l'équilibre géopolitique» dans la région où prévaut un statu quo séculaire depuis au moins les indépendances des pays de cette partie du monde. Rien que pour la sphère purement économique, ces analystes de l'équation Alger-Paris-Washington, fondent leurs arguments sur les appréciations de responsables algériens anonymes qui osent souvent, ces derniers temps, la comparaison entre ce qu'ils appellent l'engagement dit «concret» des Américains et les «promesses» vues comme sans lendemain des Français. Parts de marché, conquête ou «reconquête» du terrain perdu, positions diplomatiques sur le monde arabe ou maghrébin dont l'Algérie fait partie, équipement, modernisation et donc développement d'un pays riche, vierge et dont on dit qu'il est «émergent», bref, tous ces paramètres et ingrédients sont les éléments de cette âpre lutte pas toujours visible entre les trois acteurs d'une même volonté politique: celle de l'intérêt national de ces Etats théoriquement tous souverains au vu du droit international. A l'ère d'une mondialisation forcée mais non encore convaincante, l'Algérie, à l'instar de tous les autres pays de son rang, semble faire sien l'axiome selon lequel, dans le monde d'aujourd'hui, un pays n'a pas d'amis éternels ni d'ennemis éternels mais seulement des intérêts éternels.