Qui ne se souvient de l'époque des «logos immenses, illuminés la nuit, aussi grands que nos frustrations» ? Il faut prendre le temps de lire Trabendo (*) de Abderrahmane Zakad. C'est un roman dense, amusant, joyeux, et bourré d'humanisme exacerbé et exacerbant. L'histoire est originale. Elle vous prend par la main, et vous donne le vertige par une leçon de vie. C'est que Malika, l'héroïne, est peu ordinaire, même si l'on sait exactement ce que veut dire «se sacrifier pour les siens», cette femme, cette mère courageuse, est capable de toutes les prouesses, sauf d'être complice dans un marché ignoble que traite un certain Djenni, juste à la frontière algéro-marocaine et, qui plus est, «le 1er mai, fête des travailleurs, jour férié»! On a l'impression que notre auteur s'amuse et rit à gorge déployée en écrivant cette histoire rocambolesque, et pourtant tellement vraie et tant de fois, sans doute, répétée dans la réalité algérienne, que l'on a peine à croire, car elle pourrait paraître invraisemblable par les péripéties rapportées, et que l'on a peine à révéler au monde, car cela pourrait être impudique par ce qu'elle est. Mais, une réalité est une réalité. Un fait flagrant dans la vie de notre société devient maladie et bientôt malheur s'il n'est dénoncé, circonscrit et éliminé. Comme fait Abderrahmane Zakad, avec ingéniosité (il est ingénieur urbaniste de formation), en prenant son temps (il est à la retraite), en usant d'un style alerte et plein de sons, de gesticulations (il est «béjaoui» de naissance et «casbadji» d'éducation), et surtout plein d'images si vivantes qu'elles découvrent notre propre monde, celui de la pénurie, de la débrouillardise, de ce honteux «haf te'îche» (blouser pour vivre, donner le change), et tellement évident depuis des décennies!