C'est l'accident le plus meurtrier que l'aviation civile algérienne ait connu depuis l'indépendance. Un Boeing 737-200 de la compagnie Air Algérie s'est écrasé, jeudi, à l'aéroport de Tamanrasset, faisant 102 morts et un seul rescapé. L'avion, qui transportait 97 passagers et 6 membres d'équipage s'est écrasé à 15h45, quelques secondes après son décollage et assurait la ligne Alger-Tamanrasset (via Ghardaïa) et retour. Selon un témoin, chauffeur de taxi de la ville de Tamanrasset qui se trouvait près de la trajectoire de l'avion au moment du crash, «l'avion avait pris de la vitesse et commençait à amorcer son envol. A ce moment-là, un moteur, celui de droite, prend feu. L'avion commence alors à tanguer avant de piquer sur le sol. Le feu se propage alors partout, et pendant près de 20 minutes, il n'y avait ni pompiers ni personnes pour porter secours aux passagers qui brûlaient à l'intérieur». Le témoin de l'accident ajoute: «Lorsque l'avion a percuté le sol de plein fouet à un kilomètre de la piste de l'aéroport, il y eut un énorme bruit, un craquement étourdissant. Les deux roues avant se détachèrent et le cockpit se désintégra. Les premiers arrivés sur le lieu du drame furent les gendarmes, mais ceux-ci n'étaient ni équipés ni outillés pour faire quoi que ce soit pour aider les passagers.» Selon la compagnie, il y avait dans l'appareil, 102 personnes 1 pilote, 5 membres de l'équipage et 97 passagers, dont six Français. 58 des passagers devaient descendre à Ghardaïa, première escale du voyage, et 39 se rendaient à Alger. Vers 16h05, les premiers secours arrivent de partout. Les pompiers et les douanes, de par leur proximité, sont déjà là pour porter secours. Quelques volontaires, voyageurs ou personnel de l'aéroport, tentent, dans un élan désespéré, de faire un geste en faveur des passagers, mais ne savent que faire. Les militaires arrivent, puis les policiers qui, avec les gendarmes, essayent de gérer l'immensité du drame qui s'offre à leurs yeux, et de délimiter un vaste périmètre de sécurité afin de laisser tous les débris à leur place. En fait, à 16h10 il n'y a plus d'espoir de faire quoi que ce soit, et les quelques corps reconnaissables que les pompiers évacuent vers les hôpitaux de la ville de Tamanrasset sont déjà morts, calcinés, depuis plusieurs minutes. Le tableau qui s'offre aux secouristes est à la démesure de ce crash le plus meurtrier que l'aviation civile algérienne ait connu depuis l'indépendance. Le vaste espace désertique bordant la piste de l'aéroport de Tamanrasset, et situé sur un plateau à 1400 mètres d'altitude, offre un paysage cauchemardesque. Sur plusieurs dizaines de mètres, des roues, des débris de ferraille, des feuilles de zinc...jonchent le sol. On ne peut identifier la nature de ces restes. Des corps calcinés sont à peine discernés entre les amas de câbles électriques, noircis par le feu, le cockpit s'est désintégré, la carlingue a été désagrégée et mise en morceaux et du Boeing 737-200 dernière génération, il ne reste plus désormais qu'un indescriptible amas carbonisé, une sorte de puzzle qui ne pourra jamais être constitué. A 16h15 soit une demi-heure après le crash, les autorités commencent à faire une première «évaluation du drame: les informations s'entrechoquent encore et il n'y a pas encore d'indications précises et définitives». Le Chef du gouvernement, Ali Benflis, dépêche sur les lieux de l'accident ses deux ministres de l'Intérieur et des Transports, Yazid Zerhouni et Abdelmalek Sellal, et met en place une cellule de crise. Une autre cellule est installée au niveau de l'aéroport d'Alger pour prendre en charge et tenir informées les familles des victimes. A 16h26, l'Agence presse service donne un premier communiqué, succinct, et circonspect, sur l'accident. L'Agence France presse donne son premier communiqué à 16h29, trois minutes plus tard, et contacte ses correspondants à Tamanrasset. Entre 17 et 18 h, c'est pratiquement une information qui fait le tour des grandes villes algériennes. Pour les parents des victimes, c'est la consternation. Des numéros verts sont mis à leur disposition afin de les réconforter et les tenir informés, mais cela n'a pas empêché plusieurs d'entre eux d'affluer vers l'aéroport d'Alger. L'émotion, la colère, la panique et l'incrédulité ont alterné pour, parfois, devenir une véritable crise d'hystérie chez les femmes, mères ou épouses, qui ont veillé tard dans la nuit, dans l'attente de connaître le sort de leur parent, ou d'être définitivement fixé sur la mort des leurs. A 1900 km, les familles des victimes, à Alger et à Tam, vivaient les mêmes émotions, les mêmes tensions et les mêmes déchirements. Pour certaines d'entre elles, c'est l'écroulement de toute une vie, pour la plupart les mots de réconfort, une certaine spiritualité religieuse ont été autant de baume dans ces moments de profonde fragilité intérieure. Tard dans la nuit, les recherches se poursuivaient, sur les lieux du drame. La plupart des corps ont été évacués vers le grand hôpital de la ville de Tam. Le miraculé, enregistré, est entouré des plus grands soins. Soldat de contingent, celui-ci souffre de brûlures sur tout le corps, mais sa vie est, heureusement, hors de danger. Le visage caché sous d'épaisses bandes, il a commencé à parler, hier, de ce qu'il a vécu au moment du drame. Le ministre de l'Intérieur Yazid Zerhouni annonce que deux commissions d'enquête, l'une judiciaire et l'autre technique, ont été constituées pour établir les circonstances exactes de la catastrophe. Quelques heures plus tard, il a annoncé que, selon un premier constat, les causes seraient dues à un mauvais fonctionnement d'un moteur qui a pris feu au moment du décollage, écartant toute implication de l'attentat terroriste qui avait suscité des appréhensions à ce sujet, dès l'annonce de l'accident. Hier matin, une équipe de la police scientifique composée de trente personnes débarque à Tam pour identifier les corps. Quelques heures plus tard, 63 corps sont identifiés, selon une source hospitalière. 4 enfants de quatre ans figurent parmi les passagers, tandis que 34 autres corps sont soumis aux tests ADN ou attendent d'être identifiés par leur famille. Capitale de la région montagneuse du Hoggar, Tamanrasset, qui vit au rythme du tourisme et de la contrebande, vit, depuis trois jours, à la mesure macabre des corps carbonisés, identifiés, ou qui attendent encore de l'être.