Plusieurs ont profité de cette commémoration pour exiger un nouveau Code de la famille, un code plutôt de la citoyenneté. A l'image de toutes les villes du pays, les rues de Tizi Ouzou étaient, en ce 8 Mars, bondées de femmes. Etudiantes, travailleuses, femmes au foyer, chômeuses, elles étaient nombreuses à descendre en ville. Les unes pour faire du lèche-vitrines, il en faut, et les autres pour, entre autres, chacune à sa façon, réclamer un peu plus d'égalité dans notre société, machiste à souhait. Certes, toutes ne sont pas en ville pour le lèche-vitrines, ou encore pour faire tapisserie. Plusieurs ont profité de cette commémoration pour exiger un nouveau Code de la famille, un code plutôt de la citoyenneté: la famille restant du domaine privé, qu'aucune législation n'est en droit d'atteindre. Elles sont en ville, non pas pour plaider, mais pour exiger : exiger le droit à la citoyenneté pleine et entière. Mais derrière cette image d'Epinal, la réalité est d'une autre nature. Dans ces villages accrochés aux flancs du Djurdjura, la femme résiste. Courbée au sol, du matin au soir, insensible aux ronces qui lui griffent les mains ou les ortives leur brûlant les pieds. Insensible au froid qui glace le corps jusqu'à la moelle, elles ramassent ces olives qui feront la joie des dégustateurs. Le soir, quand elle rentrera dans son foyer, un foyer souvent déserté depuis l'aube, elle se doit, malgré la fatigue, le remplir de sa chaleur et de sa présence. La journée n'est pas terminée pour autant. Après les corvées de la cuisine et de la vaisselle, la femme, qui s'inquiète de tous et pour tous, attend que tout le monde sombre dans le sommeil réparateur, pour essayer de goûter, à son tour, à quelques instants de répit. Le lendemain, elle sait qu'il lui faudra recommencer... Mais chanceuses encore, celles-là qui n'ont ni bien ni protection, livrées pratiquement à la bonne volonté du voisinage. Elles ont souvent perdu un fils, un père, un époux, leur vie s'est transformée en cauchemar. Outre l'état de dénuement dans lequel elles vivotent, il faut aussi comprendre leur douleur. Une douleur si aiguë qu'elle est muette ! La paysanne ne dit rien, regarde tout, comprend tout, mais se réfugie dans le silence, un silence qui est le signe d'une noblesse et aussi d'une grande sagesse. Le coeur saigne, le ventre crie famine, le corps usé par mille et un travaux des champs, mais dans le regard toute la fierté du Djurdjura, des Aurès, du Hoggar... A toutes ces femmes que la nature n'a guère choyées, à toutes celles qui ont le sein tari, les pieds gercés et les mains et le corps usés, à celles dont le coeur saigne...Bonne fête, quand même.