Le projet américain de nouvelle résolution, qui divise le Conseil de sécurité, a des chances d'être proposé au vote aujourd'hui. Au moment où en Irak, à Bagdad, se poursuit activement la destruction des missiles Al Samoud 2, à la grande satisfaction des experts de l'ONU, dans les couloirs du Conseil de sécurité la bataille fait rage entre partisans et opposants de la guerre programmée par les Etats-Unis contre l'Irak. Les ultimes tractations pour réduire les dernières hésitations avant le passage au vote, aujourd'hui sans doute, ont marqué la journée d'hier. Si les Etats-Unis ont des objectifs à atteindre par l'ouverture d'une guerre en Irak, ceux qui les soutiennent, peuvent-ils, en leur âme et conscience, affirmer que cette guerre est «juste» et qu'elle est, en tout état de cause, «inévitable»? Ce qui semble être le cas de l'Angola qui donne l'impression d'avoir choisi son camp, Luanda renonçant ainsi à exercer son droit souverain. En effet, le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, a entrepris une tournée en Angola, au Cameroun et en Guinée, pour rallier au combat pour la paix les membres africains du Conseil de sécurité. Il devait rencontrer le président angolais José Eduardo dos Santos. A ce propos, le chef de la diplomatie angolaise, Joao Bernardo de Miranda, a indiqué, hier, que le président angolais a transmis à l'envoyé français «l'idée que la guerre est inévitable». «Ce qui est nécessaire maintenant, c'est que la communauté internationale s'organise pour voir ce que l'on peut faire après la guerre», a-t-il ajouté. Considérant la guerre comme un fait acquis, M de Miranda déclare: «La position de l'Angola ne consiste pas à soutenir la France ou les Etats-Unis, nous devons évaluer les conséquences de la guerre et aider à la reconstruction de l'Irak.» Mais en s'exprimant ainsi, l'Angola n'a-t-elle pas fait le choix de la guerre quand beaucoup estiment qu'elle est évitable? Luanda non seulement soutient donc la guerre que Washington veut imposer à l'Irak, mais reprend à son compte les déclarations de responsables américains qui se sont déjà projetés dans l'après-guerre et parlent de «reconstruire» l'Irak, l'administration Bush songeant même à faire des appels d'offres dans ce sens. Toutefois, Dominique de Villepin récuse l'inévitabilité de la guerre arguant: «Nous trouvons qu'il serait paradoxal et contradictoire, alors même que nous faisons des progrès dans la voie du désarmement de l'Irak de recourir à la force». Le ministre français ajoute: «On peut gagner la guerre, un pays peut, peut-être, gagner la guerre, mais construire la paix cela sera beaucoup plus long. Nous pensons qu'il faut éviter cet affrontement, ce choc qui pourrait laisser des traces extrêmement profondes dans cette région qui n'a pas besoin d'une nouvelle guerre.» Outre la volonté de la France, exprimée par ses responsables, au plus haut niveau, de s'opposer à la guerre, la Russie également refuse la guerre projetée par Washington et affirme que le projet de résolution américano-britannique ne «passera pas» sous-entendant par là, qu'en cas de nécessité, (dans la mesure où le projet obtient les neuf voix nécessaires pour devenir une résolution du Conseil de sécurité), Moscou usera de son droit de veto. Dans une déclaration à la presse à Bagdad, le président de la Douma (Chambre basse russe) Guennadi Seleznev, avait indiqué: «Nous refusons l'option d'un recours à la guerre contre l'Irak discuté au Conseil de sécurité», affirmant: «L'agression contre l'Irak, si elle a lieu, sera une agression contre tous les peuples épris de paix». Loin de ces considérations, poursuivant ses pressions sur le Conseil de sécurité, les Etats-Unis plaident pour que le vote ait lieu aujourd'hui. Les Etats-Unis avaient fixé un ultimatum, au 17 mars, pour le désarmement total de l'Irak, rappelle-t-on. Il ne fait plus de doute, qu'au cas où le vote serait à l'ordre du jour, le président français, Jacques Chirac, (Paris ayant proposé que les chefs d'Etat et de gouvernement participent personnellement au vote du Conseil de sécurité), sera présent à New York pour prendre part au débat, sur un projet de résolution qui divise profondément le Conseil de sécurité. En outre, le président français devait s'adresser, hier en direct, aux Français aux JT de 20 h de TF1 (privée) et de France 2 (publique). Autre adversaire de la guerre en Irak, le chancelier allemand, Gerhard Schröder, «prévoit de se rendre lui-même à New York en cas de vote sur une nouvelle résolution du Conseil de sécurité», a annoncé, hier, le porte-parole du gouvernement allemand, Bela Anda. Pendant que les diplomates s'astreignent à prévenir la guerre, les Américains transformaient l'émirat du Koweït en une gigantesque base de guerre où plus de 150.000 soldats américains et britanniques (ces derniers au nombre de 30.000 environ) se préparent à l'offensive. Des cargaisons de matériels, dont la nature reste inconnue, sont déchargées quotidiennement dans le port de Koweït-City interdit au public, alors que les Américains se comportent comme en pays conquis dans l'émirat.