Les cartes abattues, les contours du débat deviennent plus clairs au Conseil de sécurité. C'est peu de dire que les responsables américains, et le premier d'entre eux, le président George W.Bush, étaient irrités, et contenaient avec peine leur fureur, après les prises de position française et russe affirmant que Paris et Moscou feraient usage du veto au cas où le projet américain de deuxième résolution serait soumis au vote. Se distribuant les rôles, Américains et Britanniques tancent la France et la Russie. A Moscou, l'ambassadeur américain, Alexander Vershbow, n'a pas hésité, dans une interview au quotidien Les Izvestia, à avertir que «la Russie pourrait subir un important préjudice économique et géopolitique si elle opposait son veto à une résolution (...)» autorisant la guerre en Irak. A Londres, le Premier ministre, Tony Blair, a critiqué, sans le nommer, le président français, après l'intervention lors de laquelle Jacques Chirac a brandi le droit de veto. Le fait patent est que lors des débats publics, qui ont débuté mardi, au sein du Conseil de sécurité, les Etats-Unis ont paru, plus que jamais, isolés. A cela s'ajoutent des divergences d'interprétation qui se sont fait jour, durant les discussions à huis clos, entre Américains et Britanniques. De fait, le chef du gouvernement britannique, Tony Blair, se trouve totalement en décalage par rapport à son opinion publique et à son Parlement qui pourrait être amené à refuser une participation de l'armée britannique à une attaque contre l'Irak. Ce qui fit dire au secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, que, dans cette éventualité, «les Etats-Unis pourraient se battre sans la Grande-Bretagne». Cette déclaration a embarrassé Washington et Londres qui ont ensuite minimisé sa portée. Pour revenir au débat du Conseil de sécurité, Washington fait du surplace et son forcing ne parvient pas à rallier les indécis lesquels, selon les déclarations de leurs hauts représentants, voteront contre (la résolution) ou s'abstiendront. Ce qui est le cas, notamment, du Pakistan, dont le président Pervez Musharraf, a affirmé mardi, dans une déclaration à la presse, que son pays allait s'abstenir. Ce sera sans doute le cas aussi du Cameroun, du Chili, du Mexique et de la Guinée, qui assure pour le mois de mars la présidence en exercice du Conseil de sécurité. Seul l'Angola semble pencher vers la thèse américaine. Ce qui est tout de même loin du compte, (outre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, le projet est soutenu par l'Espagne et la Bulgarie), car pour qu'un projet devienne résolution de l'ONU, il lui faut obtenir neuf voix, et qu'il n'y ait pas de veto pour le bloquer. C'est sans doute tenant compte de ces paramètres peu favorables, que Washington a accepté de discuter d'un amendement, ou d'un compromis, comme le suggèrent les non-permanents, notamment sur le point touchant à l'ultimatum du 17 mars, que d'aucuns estiment non productif et, en tout état de cause, comme délai trop court. Un fait reste à relever: il existe au Conseil de sécurité une unanimité qui prône le désarmement pacifique de l'Irak, et le refus d'une deuxième résolution que beaucoup considèrent sans objet. Aussi face à la détermination de la France et de la Russie d'user, au besoin, de leur droit de veto, le projet de seconde résolution pourrait être retiré, à en croire une déclaration faite hier à Madrid par Ana Palacio, ministre espagnole des Affaires étrangères. L'Espagne est cosignataire, avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, du projet controversé. Cependant, Washington maintient son souhait de le voir voté, au plus tard, dans le courant de la semaine. En Irak, la destruction des missiles Al Samoud 2 se poursuit à un rythme soutenu, Bagdad se montrant coopératif et ouvert à toutes les demandes émises par les inspecteurs en désarmement de l'ONU. La coopération entre l'Irak et l'ONU est, en fait, entrée dans une phase satisfaisante pour les deux parties.