Un tour et puis s'en vont. C'est l'impression que laisse le sommet du G8 qui a clos ses travaux sur un goût d'inachevé. Le Sommet des huit pays les plus riches du monde, qui s'est achevé jeudi, n'a pas apporté de véritables réponses aux attentes de nombreux pays en développement, notamment africains, qui fondaient beaucoup d'espoir sur cette rencontre qui s'est finalement, sans surprise, clôturée avec des voeux pieux qui n'engagent en fait que ceux qui y croient. Le G8 2004 aura surtout été un coup de main inespéré pour le président sortant américain en difficulté dans les sondages pour l'élection présidentielle du 2 novembre prochain. Aussi, il n'y en avait que pour George Walker Bush, dans cette paradisiaque villégiature pour milliardaires de Sea Island, (Etat de Georgie). M. Bush a ainsi tenté de tirer profit de ce sommet pour améliorer son image auprès de l'électorat américain. Aussi, nombreux étaient les observateurs qui ont estimé artificiel et factice le sommet américain du G8. De fait, le président sud-africain, Thabo M'beki n'était pas loin de penser la même chose et qui, contenant avec peine sa colère, accuse, dans un journal sud-africain, les pays riches qui, selon lui, perçoivent «les Africains comme des mendiants». Pour dire que cela n'était pas donné et que les Africains devront lutter pied à pied pour imposer une coopération qui ne soit pas uniquement celle qui permettrait aux riches de continuer à pressuriser les pays pauvres. En fait, que ce soit sur les questions récurrentes qui intéressent en tout premier lieu l'Afrique et le Moyen-Orient, comme la dette, les maladies endémiques, les réformes et la démocratie, beaucoup de choses ont été dites, mais au final, peu de choses concrètes. Même l'euphorie qu'a pu susciter l'adoption par le Conseil de sécurité d'une résolution sur l'Irak, encadrant le transfert de souveraineté aux Irakiens, s'est vite dissipée face à la réalité du terrain. En effet, voulant tirer du succès américano-britannique à l'ONU - sur l'Irak - et battant le fer tant qu'il est chaud, le président américain, George W.Bush, a prôné à ses pairs l'annulation (quasi totale) de la dette irakienne, et suggéré l'envoi de troupes de l'OTAN dans ce pays. Les suggestions du président Bush ont été fermement rejetées par ses pairs, notamment par les présidents français et russe, Jacques Chirac et Vladimir Poutine. Résumant l'opinion des Européens, M.Chirac affirma en effet : «Toute ingérence de l'Otan dans cette région nous paraît comporter de grands risques, y compris des risques d'affrontement entre l'Occident chrétien et l'Orient musulman», soulignant : «Nous avons indiqué clairement que nous ne pourrions pas accepter une mission de ce type de l'Otan (en Irak)». Enfonçant le clou, le président français aura ces mots à propos du projet américain du Grand Moyen-Orient (GMO) exprimant un peu le sentiment qui est celui du monde arabe : «Les pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord n'ont pas besoin de missionnaires de la démocratie.» Alors quid de ce fameux projet du GMO? Dans le communiqué final, le sommet du G8, qui d'ailleurs reprend le point de vue américain, n'apporte pas de faits nouveaux indiquant que «les dirigeants du G8 se disent conscients que la paix, le développement politique, économique et social, la prospérité et la stabilité des pays du Grand Moyen-Orient représentent un défi pour nous et pour l'ensemble de la communauté internationale (...) En conséquence nous déclarons notre soutien pour des réformes démocratiques, sociales et économiques venant de cette région». Des généralités qui n'engagent à rien. Notons que le président Bouteflika, présent à Sea Island, affirma à ce propos et parlant de l'expérience algérienne que l'Algérie «n'a pas peur des réformes», indiquant : «L'Algérie a entrepris les reformes depuis les années 90 en payant un prix très fort.» Par conséquent, a-t-il soutenu, «l'Algérie n'a pas peur des réformes qui, d'ailleurs, ont été engagées dans tous les secteurs». M.Bouteflika indiquera également, coupant court à toute interprétation, qu'il a assisté à cette réunion en tant que «représentant exclusivement de l'Algérie, et c'est le cas également des autres pays invités». Il n'y avait pas que l'Irak et le GMO, d'autres questions ont été examinées mais, il faut bien le dire, de manière superficielle comme le dossier israélo-palestinien qui n'a fait l'objet d'aucune décision pertinente de la part du G8. Le fait que les USA sont dans une année électorale peut expliquer ce désintérêt mais sans doute pas tout. La «feuille de route», le plan de paix international - toujours immobilisée dans ses starting-block par les Israéliens - éprouve du mal à démarrer, ce qui fait dire au président Chirac, décidément très pugnace : «Nous devons accélérer, voire imposer la mise en oeuvre de la feuille de route.» Pour sa part, le président de la Commission européenne, Romano Prodi, a estimé que la résolution de ce dossier «mère de tous les conflits» est un «préalable» à toute réforme dans le Moyen-Orient. Les positions des Européens n'étaient pas, à l'évidence, partagées par le président Bush qui a essayé de faire la promotion du projet unilatéral de Sharon sur Ghaza. Au final, le G8 s'est complu dans des généralités, d'autant plus que les vues américaines sur nombre de dossiers ont pris le pas sur de véritables concertations entre les pays les plus riches d'une part, entre ces derniers et les pays en butte aux problèmes de développement d'autre part.