L'UE pourrait être élargie à Israël, alliée des USA, a laissé entendre Berlusconi. «La convention présidée par Valéry Giscard d'Estaing risque d'être une victime collatérale du conflit irakien. Comment proposer des avancées significatives vers une politique extérieure et de sécurité commune incarnée par un président de l'Europe flanqué de son ministre européen des Affaires étrangères, avec des décisions prises à la majorité qualifiée, si les Européens se divisent sur une question aussi essentielle que la guerre et la paix? Au mieux, la convention va prendre du retard, alors qu'elle devait conclure ses travaux à la fin du printemps. Au pire, elle ne produira aucun consensus et proposera une variété d'options parmi lesquelles une interminable conférence intergouvernementale sera priée de faire un tri. Exactement le danger que la convention devait écarter», écrit l'éditorialiste du quotidien français Le Monde. C'est que l'Union européenne, dont l'unité est cruellement mise à mal par la guerre américano-britanique contre l'Irak, ne peut plus échapper à un examen de conscience sur son identité sur la scène internationale et l'avenir de ses relations avec l'hyperpuissance américaine. Même s'ils parviennent à un Smig d'entente, les Européens n'arrivent plus à faire illusion en masquant leurs divisions. «Il y a des différences et les différences restent», constate le président de la Commission européenne Romano Prodi. La crise a pris une telle ampleur que des dirigeants européens, partisans de l'intervention anglo-américaine contre Bagdad, reconnaissent désormais la nécessité d'ouvrir un débat de fond sur la philosophie du projet européen et l'avenir d'une diplomatie commune dont l'Irak symbolise l'échec. «Quelle que soit la durée de ce conflit, il sera lourd de conséquences pour l'avenir», avait prédit avant le sommet des Quinze à Bruxelles le président français Jacques Chirac. «Nous avons besoin d'un débat franc et ouvert», lui a rétorqué en écho à Bruxelles le Premier ministre britannique Tony Blair. Pourtant, son principal opposant sur le dossier irakien. Le président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, n'a pas dit autre chose en réclamant de mettre les problèmes sur la table «au risque sinon de retomber dans les mêmes travers.». «Il faut maintenant faire des pas concrets dans les mois et les années qui viennent en ce qui concerne la politique étrangère et la politique de défense, ou autrement l'Union européenne ne va jamais jouer son rôle prépondérant au niveau international», a renchéri le Premier ministre belge, Guy Verhofstadt. Cette unanimité dans le diagnostic fait long feu dès qu'il s'agit de trouver un remède. Les Quinze retrouvent immédiatement leur ligne de fracture: partisans d'une Europe forte n'hésitant pas à afficher leur différence face aux Etats-Unis, emmenés par le couple franco-allemand, contre les pays attachés à la primauté du lien transatlantique, Grande-Bretagne et Espagne en tête. Exposant sa vision devant la presse, Berlusconi a plaidé à Bruxelles pour «une union étendue à la Russie et à Israël, alliés des Etats-Unis», dans un rapport de partenariat et d'amitié. Une approche à mille lieues de celle de Jacques Chirac, qui a appelé l'UE à prendre conscience de la nécessité d'exprimer sa propre vision des problèmes du monde. Signe de leur volonté d'aller de l'avant sans attendre les plus hésitants, la France et l'Allemagne se sont ralliées vendredi à l'offre de la Belgique d'accueillir le mois prochain un sommet des pays volontaires sur la question particulièrement sensible de la défense européenne, Paris, Berlin et Bruxelles sont d'autant plus enclins à aller vite que l'élargissement de l'UE à 10 nouveaux membres en mai 2004 va sérieusement compliquer la donne, avec l'entrée de pays d'Europe de l'Est ouvertement atlantistes. Alors que l'Union va passer de quinze à vingt-cinq membres, les Européens ont le choix entre deux démarches: continuer à bricoler des arrangements ou prendre le temps de s'interroger sérieusement sur ce qu'ils veulent faire ensemble. La deuxième voie semble la plus prometteuse, relèvent les observateurs. Il n'en demeure pas moins que l'Angleterre, de par la position de son Premier ministre, risque de traîner encore pour longtemps son étiquette pro-américaine. L'alignement de Londres sur Washington risque désormais d'isoler pour longtemps les Anglo-Saxons du reste de la communauté internationale.