Décidément, la question de la Turquie divise toujours les membres de l'Union européenne, comme le montre le nouveau pavé dans la mare de Giscard d'Estaing. L'entrée d'Ankara à l'UE aura pour effet de modifier “la nature du projet d'union politique” de l'Europe, estime le père de la Constitution de l'Union européenne. Selon Valéry Giscard d'Estaing, la solution réside dans la création d'un “espace européen”pour ce pays et pour l'Ukraine également. Selon lui, “l'Union européenne, une union de pays semblables et voisins, n'est absolument pas condamnée d'absorber tous ses voisins”. Sans avoir le courage de le dire crûment, l'ancien président français trouve que la Turquie, pays musulman, constitue un danger pour l'UE. Prenant toujours le soin de ne pas détailler les raisons de son hostilité à l'entrée d'Ankara dans l'Union, Giscard laisse supposer que la nature de la société turque et ses traditions font de ce pays “un membre situé hors de l'Europe et qui serait le plus peuplé de l'UE”. Voilà une argumentation qui se base sur des critères non objectifs, parce que sur le plan géopolitique, la Turquie fait partie du vieux continent depuis l'effondrement de l'empire ottoman à la fin de la Première Guerre mondiale. Le président de la convention européenne montre clairement son hostilité, à la limite du racisme, à l'entrée au sein de l'Union européenne d'un Etat différent sur le plan confessionnel. Il ne le dit pas ouvertement, mais développe un argumentaire le faisant suffisamment sentir. Pour atténuer sa sortie pleine de haine, Valéry Giscard d'Estaing propose d'amadouer Ankara par la création “d'un espace européen” qui lui permettrait de récolter quelques miettes, à travers un “partenariat privilégié”. Le fait que la Turquie fasse partie du marché européen commun constitue une énorme concession de l'Europe aux yeux de l'ex-chef de l'Etat français. La sortie médiatique du président de la convention européenne, dimanche, lors de l'émission du grand jury “RTL-Le Monde-LCI”, ne constitue apparemment pas une surprise pour le Chef du gouvernement turc. En effet, la veille, Recep Tayyip Erdogan avait averti qu'Ankara se réservait la “possibilité de tourner le dos à l'UE”. Le Premier ministre avait affirmé que son pays n'était point disposé à accepter aucune condition nouvelle pour son adhésion à l'Union européenne. “Il nous est impossible d'accepter de nouvelles conditions”, a clamé Erdogan dans un entretien accordé au journal libéral turc Radikal, publié samedi dernier. Mieux, la Turquie somme Bruxelles de fixer une date ferme pour l'ouverture des négociations d'adhésion et des assurances que les pourparlers aboutiront bien à l'entrée de la Turquie dans l'Union. Au vu de la radicalisation des positions des deux parties, tout indique que l'on se dirige tout droit vers une rupture des contacts, à moins d'un revirement extraordinaire. Valéry Giscard d'Estaing y aura grandement contribué. K. A