A la veille de la présidence tournante de l'UE par la France, le président Nicolas Sarkozy, qui rêve de tant de projets pour l'Europe et la Méditerranée, a tout prévu, sauf le niet des Irlandais au traité de Lisbonne et la remise à l'ordre du jour des questions palestinienne et sahraouie. Entre le «non» des Irlandais au traité de Lisbonne, les incertitudes sur le projet de l'Union pour la Méditerranée (UPM) et l'humiliation de l'équipe nationale française au 1er tour du championnat d'Europe de football, il faudra un sacré moral au président français Nicolas Sarkozy pour aborder la présidence tournante de l'UE en juillet prochain. Lui qui s'est dit détenir la recette pour relancer la construction de l'UE pour qu'elle devienne l'acteur incontournable dans la géopolitique mondiale, le voilà bien embarrassé à la veille de sa «prise de fonction» en tant que président du Conseil européen pour le second semestre de cette année. Dès son élection à la tête de l'Etat français, Nicolas Sarkozy a confondu vitesse et précipitation, avec en sus, une malhonnêteté intellectuelle et politique avérée. Il s'est, par exemple, attribué la paternité du traité européen et le projet de l'UPM. Out, tout le travail de la Convention européenne présidée par l'ex-chef de l'Etat français Valéry Giscard d'Estaing qui avait pondu la défunte Constitution européenne rejetée par les peuples français et hollandais en mai 2005. Out, le travail du groupe européen de très haut niveau qui avait rédigé, à partir de la défunte Constitution, le traité de Lisbonne, bien avant que Sarkozy n'accède à la présidence française. Et c'est pareil pour le projet de l'UPM que l'ex-chef de l'Etat français, François Mitterrand, avait proposé en 1995, et qui inspira l'Accord de Barcelone qui institua le «Processus de Barcelone». A vouloir trop tirer la couverture à lui, Sarkozy récolte souvent le résultat inverse, parce que le reste des pays européens, comme ceux du Sud méditerranéen, ne sont pas dupes. Ainsi, tout en appelant au respect des règles communes européennes, Sarkozy est le premier à les enfreindre. La France a reçu deux avertissements et des amendes pour non-respect des règles de concurrence et dépassement du seuil autorisé de 3% dans les déficits publics, depuis qu'il est chef de l'Etat. Dans sa «promotion» du projet de l'UPM, il n'a pu convaincre ni ses alliés européens et encore moins les pays du Sud. Si l'UPM est en soi une initiative louable et intéressante pour les partenaires, elle a perdu toute sa portée en raison de l'entêtement de Sarkozy à vouloir la réduire aux seuls intérêts français, ou du moins, à la seule vision française: une entreprise strictement commerciale. Les meilleurs analystes vous diront combien la construction d'un partenariat pour la paix et la prospérité dans la Méditerranée sont tributaires du règlement des questions palestinienne et sahraouie. Par ailleurs, le président français a fait fi de l'engagement officiel des chefs d'Etat européens dans des négociations avec la Turquie pour son éventuelle adhésion à l'UE sur le long terme. Il affiche ouvertement son opposition à la Turquie, non pas pour des raisons politiques, commerciales ou géographiques, mais pour des raisons de «culture et de religion». Comment peut-il promouvoir son autre ambition, celle d'une refondation de la relation stratégique entre l'UE et les USA en excluant la Turquie du jeu, c'est-à-dire l'allié américain et de l'Otan en Méditerranée orientale? Les objectifs de Sarkozy aboutissent à l'impasse tant il persiste à croire que la France est «le centre du monde». Bien des rendez-vous délicats attendent le président français. Les 19 et 20 juin à Bruxelles, il prendra le relais de la Slovénie pour conduire les affaires européennes; les 26 et 27 juin à Khanty-Mansiysk, en Sibérie, ce sera le Sommet UE-Russie pour un accord-cadre avec la Fédération de Russie. Deux tests majeurs qui donneront le ton pour son autre rendez-vous avec le sud de la Méditerranée le 13 juillet à Paris. En attendant, il faudra beaucoup de diplomatie et d'imagination à l'Europe, sous la conduite de Sarkozy, pour éviter que l'orage irlandais du 12 juin ne se transforme en tempête pour toute l'Europe.