La tactique de l'armée irakienne a surpris les militaires les plus expérimentés. La stratégie de guerre des Irakiens inquièterait au plus haut point les Américains, poussés à l'erreur, notamment sur le plan médiatique. Plusieurs correspondants affirment que les informations provenant du Pentagone ne sont plus crédibles. Le Pentagone a, en effet, affirmé la prise de Basra et d'Oum-Qasr au moins 11 fois. La douzième a tout démoli par l'annonce du général Tommy Franks de contourner la ville de Basra. L'argument humanitaire évoqué était tout aussi paradoxal et surprenant. «C'est par peur pour la population», a-t-il déclaré lors de sa première apparition après 72 heures de silence. Ce qui a laissé perplexes les médias. «Comment abandonner un objectif de guerre après 72 heures de combats alors que cet objectif se révèle stratégique du fait qu'il constitue la seule issue vers la mer?» La réponse se trouve peut-être dans la stratégie de l'armée irakienne qui a surpris les militaires les plus expérimentés ayant commenté la guerre à travers les télés de leurs pays. Il ne fait pas de doute que les stratèges militaires américains s'attendaient à une reddition massive des soldats irakiens, surtout après l'intense travail psychologique effectué avant l'invasion et incitant les troupes à déserter. La résistance d'Oum Qasr a, pour ainsi dire, déstabilisé les plans mûris d'occupation de la ville, d'où la décision de changer la démarche alors prévue, notamment la prise de Bassora. Dans ce contexte, les déclarations du ministre de l'Information irakien, Mohamed Saïd Al Sahhaf, rendent plus limpides les intentions de l'armée irakienne: «Nous leur avons permis de conquérir le désert. La guerre c'est dans la ville. Ce sera l'enfer pour les ennemis.» Pour preuve le ministre irakien affirme que les forces de son pays ont pu capturer des soldats américains. Les soldats américains avaient du mal à cacher leur étonnement quant à la réaction inattendue de la défense irakienne. «C'est bel et bien une résistance civile (...) Ils ne nous ont pas accueillis avec des fleurs à El-Basra, comme nous l'ont expliqué nos chefs», a déclaré un sergent de l'infanterie. Le chef suprême des armées irakiennes, Saddam, a divisé l'Irak en quatre régions militaires effectives et plusieurs autres virtuelles. Une stratégie qui pose problème aux coalisés. En fait, Saddam s'appuie autant, sur les forces régulières et singulièrement sur son implacable Garde républicaine que sur les militants et miliciens du Bâas qui seraient au nombre de sept millions, selon le chef du parti à Bagdad et celles encadrées par les chefs des Achirates, (tribu). Selon un général égyptien, ce sera une guérilla, qui ne manquera pas de créer de sérieux problèmes aux troupes américaines. Sachant qu'elles sont sans couverture aérienne, Saddam a soigneusement évité de livrer ses armées au déluge de bombes en plein désert comme cela était le cas lors de la première guerre du Golfe. Cela empêchera, par ailleurs, l'aviation américaine de bombarder l'endroit où se trouvent leurs troupes. Le génie de l'armée irakienne ne s'arrête pas là. Avant de recourir à la solution extrême, celle de brûler les puits de pétrole, ces derniers serviront bien à quelque chose. En effet, certains puits se trouvant autour de certaines villes, comme la capitale, ont été incendiés créant un épais écran de fumée empêchant ainsi les satellites de prendre des images claires pouvant servir l'aviation. Les observateurs sur les lieux se demandent bien si l'aviation américaine ne bombarde pas dans le tas. Par ailleurs, il est très probable, selon des experts militaires, que Saddam cherche à perdurer le plus longtemps possible. L'objectif est celui de mettre à profit les caprices du climat. Les mêmes experts indiquent que pour mener une offensive contre un ennemi menant une guérilla, dans une ville transformée en jungle similaire à celle du Vietnam, il faut que l'effectif de l'attaquant soit cinq fois supérieur à celui du défenseur. Or il sera difficile de maintenir le moral des troupes à un niveau élevé, dans un terrain hostile où la température dépasse les 45° C à l'ombre. Autrement dit Saddam cherche à pousser les Américains à commettre des erreurs autres que de communication. Il cherche des erreurs de guerre pouvant justifier sa victoire politique sur Bush en cas de défaite militaire. Saddam veut un autre Vietnam.